03 septembre, 2010

Les spécialistes de la spécialité et leurs mots.

Essayez d'employer devant un juriste un terme de droit que vous connaissez, tenez, "usucapion" par exemple ou devant un historien de l'art, ne serait-ce que le mot plus banal de "repentir". Il vous regarde comme un intrus, un agresseur, un voleur de glossaire de son sabir perso. De quel droit employez-vous un mot qui appartient à sa confrérie, sa guilde, sa hanse, et donc lui appartient de fait, mieux encore, de droit, à lui qui fut initié, intronisé, adoubé, bref, moyen-âgisé ?
Je me rappelle qu'un jour, il y a fort longtemps, mon compagnon de l'époque se trouva soudainement pris de violentes migraines. On fait venir d'urgence le toubib, car ayant eu des années auparavant les mêmes symptômes et la même maladie, je craignais une méningite. L'homme de l'art l'examine et j'ai d'un seul coup l'outrecuidance de préciser, ce qui me paraissait plutôt réconfortant et qui plus est utile, qu'il ne faisait pas de "photophobie". Il me regarda haineux en me demandant "comment je connaissais ce mot". J'en restai coi.
Les gens qui ont fait des études précises, pointues, spécialisées qui les ont intégrés à un groupe professionnel, n'aiment pas que l'autodidacte, c'est à dire celui qui est "entré ici sans être géomètre" vienne leur piquer leurs mots de spécialistes, d'experts comme on dit à la télé, comme si c'était le fond de leur fond de commerce. Celui qui détient le langage détient une partie du pouvoir, certes, reste à savoir lequel et qu'en faire.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous fréquentez de drôles de gens! Jamais je n'ai eu de pareille réaction.En revanche, des ignares et des cuistres employant des mots spécialisés à tort et à travers, j'en ai entendu des légions: tout n'est que "pathologie", "névrose" etc...Sans compter le vocabulaire écolo... J'ai toujours été ébahi par la tolérance et la générosité des vrais savants...Le savoir, la culture rendent généralement meilleur...

P. P. Lemoqeur a dit…

Je ne les fréquente pas, mais la vie fait que parfois, ne serait-ce que par obligation, ou par hasard,je m'y frotte.
En même temps, pour ce qui est des cuistres et des ignares dont vous parlez, de quel droit leur reprocher d'utiliser ces mots. N'étant pas littéraire de formation, je me sens un peu mais fort humblement extérieur à ce débat. Pour ce qui est des savants, ils font, contrairement à ce pauvre con d'abbé de Lattaignant, la part du mot et de la chose et c'est celle-ci qu'il l'emporte... Mais je sais que vous ne me contredirez pas, les mots appartiennent à tout le monde et c'est peut-être une forme de purisme à l'envers que de refuser à ces gens le droit de s'en servir, même de traviole.
Tenez, tous les jours ou presque, Pascale Clark de France Inter utilise (mal) le terme d'éponyme qu'elle n'est par ailleurs absolument pas obligée d'utiliser. Ca m'a d'abord énervé et puis vous lisant, je me suis calmé, et suivant vos conseils, je considère désormais qu'elle participe à sa manière à l'évolution du mot et qu'un mot qui ne change pas de sens est un mot qui meurt !
C'est pour ça que depuis cet été je ne mets plus de chapeau pour aller au soleil, je mets, c'est bien plus chic, une clepsydre.

Anonyme a dit…

Bin wi! Tranquille, la vie...Et puis les cuistres sont rigolos! Mais l'éponyme au sens propre,ça manque vu qu'on n'a plus les notables pour donner leur nom aux annes..ce qui nous ramèe aux Fastes d'ovide, bouquin fort curieux qui nouq apprend des tas de traditions oubliées et assez marrantes!
Une année éponyme de Sarkozy, ce serait triste!
Hors landau

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