Monsieur P. et la diérèse

Monsieur P, professeur de françaislatingrec de la seconde à la terminale au Collège Saint Joseph n'était pas banal. D'abord il avait épousé une veuve de quinze ans son ainée, c'était un excellent professeur tout en finesse, humour et donc autorité, enfin, il avait de phénoménales embarques littéraires dont certaines étaient justifiées, d'autres absolument pas, mais qu'il défendait avec la même, érudite et sympathique rage. Monsieur P. n'était pas un flasque. L'une de ses lubies, c'était l'usage illégal de diérèse. Il adulait Rimbaud, mais ne lui pardonnait pas le "bohémi-en" de "Et j'irai loin, très loin comme un bohémien", et je ne suis pas loin d'être d'accord avec lui. Mais c'était surtout dans la vie courante, "fiancée" qui le mettait dans tous ses états lorsque par malheur et sans l'excuse de la licence poétique, nous disions comme tout le monde "Fi-an-cée". Pour lui c'était comme science, confiance, fiente ! Diérèse interdite ! C'est ainsi qu'un jour où il était particulièrement échauffé,en fin de cours de français, l'un d'entre nous commis la faute. " Mon pauvre ami, lui dit-il, quand vous vous marierez, si c'est avec votre "fille en C", comme vous dites, eh bien, je vous souhaite bien du plaisir ! ". Mnémotechnique ! depuis je fais gaffe et à chaque fois je pense à lui.