21 septembre, 2008

Histoires d'Amour

Ils s'étaient mariés par amour. Ils avaient fait un gamin. Il marchait à peine, le môme, que son père avait commencé à avoir des doutes, car la maman avait des absences. Oh, pas des trous de mémoires, non, des blancs dans son emploi du temps. C'est pas qu'il était jaloux, mais y avait de bonnes gens qui le taquinaient un peu. Ils habitaient une petite ville, un peu plus qu'un village, pas très loin d'une ville plus grande. Un de ces endroits où l'on finit toujours par apprendre même ce qu'on ne veut pas vraiment savoir... Elle le lui laissait de plus en plus souvent, le marmot, car elle devait aller en ville. Elle y travaillait, mais souvent elle rentrait tard, trop tard. Un jour il l'a suivie. C'était il y a longtemps. Il les a vu entrer dans l'un de ces hôtels où l'on n'était pas très regardant ni sur l'identité et l'état matrimonial des clients, ni sur la propreté des draps. Il a laissé le gamin dans la voiture, dans la rue, il faisait jour, lui disant qu'il revenait tout de suite. Il avait avec lui un flingue rapporté d'Algérie avec quelques souvenirs dont on ne se remet pas. Quand il a frappé à la porte de la chambre adultère, ils n'ont pas répondu ; il a voulu l'ouvrir, elle était fermée à clé ... Alors comme au cinéma, comme Gabin-Belmondo, il a tiré dans la serrure. Quand il a poussé la porte, elle était dans le lit, juste devant, dans la ligne de mire, morte. L'amant on ne sait pas, on s'en fout. Il fut jugé, crime passionnel, fit un peu de taule et fut condamné à verser une pension au gamin qu'on lui enleva et qu'il ne revit qu'il y a deux ou trois ans, bientôt quarantenaire et pas rancunier.

Une fois sorti de centrale, incapable de rester seul, il a, après de nombreuses années d'aventures sans lendemain, rencontré une semi-pute qui était en ménage avec un lascar qui cognait le fils qu'elle avait de lui, encore que c'était pas vraiment sûr qu'il en fut le père. Oh, elle le tapait bien un peu aussi, sans états d' âme, lui chauffant parfois le bras, le dos, du bout de sa cigarette, histoire de lui apprendre. Il a embarqué le tout, la mère et le fils. L'autre n'a pas moufté... Manque d'honneur ? pas de couilles ? Mais non, trop content de se débarrasser du lot, de deux bouches à nourrir. Ç'aurait du l'alerter, un aussi facile transfert de compétences... C'est ça qu'il a mis du temps à comprendre. Le temps de lui coller un autre chiard.

Aujourd'hui il est en retraite, il a 70 ans passés, il est en pleine forme et continue de bosser. Son deuxième fils lui a fait des tours pendables, le faisant se porter garant de ses emprunts c'est à dire de ses dettes ... Mais à vingt cinq ans passés c'est toujours le chouchou de sa maman. La maman, elle, elle fout rien de la journée et mate la télé toute la nuit dans un fauteuil, en robe de chambre, le cendrier débordant sur les genoux. A part cloper comme une damnée, répandre mégots, ragots et saloperies pour faire se brouiller la terre entière, elle tente d' arrondir des fins de mois qu'elle n'a pas, en tentant de reprendre à temps très partiel car sans grands succès ses activités antérieures. Elle fait même pas la bouffe, ni le ménage, juste les courses pour se payer ses cigarettes et son café au bar du coin sur l'argent qu'il lui donne pour les faire. Au bout du compte, seul son beau-fils, qu'il a élevé comme le sien l'aime vraiment et le respecte.

La première, s'il l'avait pas tuée, comme la Pomponette, il lui aurait pardonné, l'aurait reprise avec lui car il l'aimait... C'est ce qu'il dit et c'est sans doute vrai. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'à la seconde il ne pardonne rien, et comme il l'a, elle aussi, épousée, il est coincé, car, bien vivante, elle a pas la moindre envie de se tirer... la virer, il en a pas le droit...

Récidiviste ? vous avez dit récidiviste ? De temps en temps, il en parle. On le dissuade. On est raisonnables, nous !
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