Dans la ville, il y avait "l'Indien". L'indien était sous tutelle, sous curatelle, sous toutes les ailes possibles, y compris celles des anges. L'indien n'était pas malade mental (quel vilain mot), il était fou, surveillé mais en totale liberté et comme la ville est sympa, plutôt bien intégré car il faut reconnaître qu'il avait, comme tout le monde et par la force des choses un peu plus que tout le monde, des cotés un peu chiants...
En revanche, il n'avait pas son pareil - il y a des gens comme ça - pour s'habiller avec n'importe quoi ; il se faisait des braies avec trois bouts de ficelles, mettait toujours des plumes à ses chapeaux, et réussissait à être naturellement plus élégant que bien des gens qui "en ville" pensent qu'ils le sont ou se ruinent pour tenter de l'être... Des yeux bleus clairs-éclairs de fou qui tranchaient sur sa peau tannée.
Il ne parlait à personne mais il parlait à Dieu, l'invectivait en direct, et visiblement, il y avait un contentieux ! D'ailleurs il passait son temps à lui construire des autels, dans les abribus, dans les portes d'entrée des immeubles municipaux, sur les bancs publics. Il avait aussi tendance, dès qu'il trouvait un bout de craie, à graffiter des "INRI" un peu partout. A l'église il se contentait d'allumer tous les cierges qu'il pouvait, le plus vite possible sans, vous vous en doutez, mettre le moindre sous dans le tronc...Dès qu'il entrait, le curé le suivait pour tout éteindre et récupérer ce qui était récupérable... Bref, l'indien se tapait un bon délire mystique... Un jour j'ai su son prénom, et passant près de lui je lui ai dit naturellement " Salut, Michel !" On est devenus un peu copains, autant que faire se pouvait... car honnêtement je ne suis pas certain qu'il me reconnaissait d'un jour à l'autre.
La dernière conversation que j'ai eue avec lui c'était il y a deux mois. Il avait investi l'abribus où j'attendais ; il y avait comme toujours un autel orné d'une croix faite de deux baguettes réunies par du bolduc rose, mais aussi son repas, essentiellement des barquettes achetées au Monoprix ou parfois offertes par de bonnes dames, un petit kil de rouge pour faire couler tout ça et puis quelques objets, un vieux minitel avec le cable et la prise qui traînent, une (unique) chaussure de femme, un microsillon 33tr des Beatles, une vieille peluche et des livres, toujours des livres. Comme on était en face du Bar-PMU, on a causé jeux... Je n'ai pas compris comment il savait, mais ça le faisait bien rigoler, l'Indien, de voir les érémistes claquer leur thunes au Rapido... Oh oui ! il avait joué, aux courses beaucoup au courses, mais depuis le quinté-plus et "autres conneries" ce n'était plus intéressant (!) disait-il ... Et puis il me fit une confidence : les chevaux perso de Léon Zitrone, et bien, ils sont à Montévrain, il savait exactement où ! Il laissait régulièrement des bouquins devant la porte de la Fanfare. C'est ainsi qu'il nous fit cadeau des "Petits Chevaux de Tarquinia" et de "Dix heures et demi du soir en été" en Poche... Je suis sûr que ça l'aurait fait rire, Duras ...
Voila, vous avez pigé, l"Indien" est mort hier, visiblement d'une "attaque" comme on disait autrefois (on dit maintenant un ACV, ça fait mourir tout pareil, mais c'est plus chic, mourir d'un acronyme...) et déjà les rumeurs habituelles courent comme toujours chez les pauvres (les autres savent bien que ce n'est pas vrai...) : il était riche comme Cresus...
Voila, l'Indien est mort et je dois vous avouer que je suis un peu triste...
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En revanche, il n'avait pas son pareil - il y a des gens comme ça - pour s'habiller avec n'importe quoi ; il se faisait des braies avec trois bouts de ficelles, mettait toujours des plumes à ses chapeaux, et réussissait à être naturellement plus élégant que bien des gens qui "en ville" pensent qu'ils le sont ou se ruinent pour tenter de l'être... Des yeux bleus clairs-éclairs de fou qui tranchaient sur sa peau tannée.
Il ne parlait à personne mais il parlait à Dieu, l'invectivait en direct, et visiblement, il y avait un contentieux ! D'ailleurs il passait son temps à lui construire des autels, dans les abribus, dans les portes d'entrée des immeubles municipaux, sur les bancs publics. Il avait aussi tendance, dès qu'il trouvait un bout de craie, à graffiter des "INRI" un peu partout. A l'église il se contentait d'allumer tous les cierges qu'il pouvait, le plus vite possible sans, vous vous en doutez, mettre le moindre sous dans le tronc...Dès qu'il entrait, le curé le suivait pour tout éteindre et récupérer ce qui était récupérable... Bref, l'indien se tapait un bon délire mystique... Un jour j'ai su son prénom, et passant près de lui je lui ai dit naturellement " Salut, Michel !" On est devenus un peu copains, autant que faire se pouvait... car honnêtement je ne suis pas certain qu'il me reconnaissait d'un jour à l'autre.
La dernière conversation que j'ai eue avec lui c'était il y a deux mois. Il avait investi l'abribus où j'attendais ; il y avait comme toujours un autel orné d'une croix faite de deux baguettes réunies par du bolduc rose, mais aussi son repas, essentiellement des barquettes achetées au Monoprix ou parfois offertes par de bonnes dames, un petit kil de rouge pour faire couler tout ça et puis quelques objets, un vieux minitel avec le cable et la prise qui traînent, une (unique) chaussure de femme, un microsillon 33tr des Beatles, une vieille peluche et des livres, toujours des livres. Comme on était en face du Bar-PMU, on a causé jeux... Je n'ai pas compris comment il savait, mais ça le faisait bien rigoler, l'Indien, de voir les érémistes claquer leur thunes au Rapido... Oh oui ! il avait joué, aux courses beaucoup au courses, mais depuis le quinté-plus et "autres conneries" ce n'était plus intéressant (!) disait-il ... Et puis il me fit une confidence : les chevaux perso de Léon Zitrone, et bien, ils sont à Montévrain, il savait exactement où ! Il laissait régulièrement des bouquins devant la porte de la Fanfare. C'est ainsi qu'il nous fit cadeau des "Petits Chevaux de Tarquinia" et de "Dix heures et demi du soir en été" en Poche... Je suis sûr que ça l'aurait fait rire, Duras ...
Voila, vous avez pigé, l"Indien" est mort hier, visiblement d'une "attaque" comme on disait autrefois (on dit maintenant un ACV, ça fait mourir tout pareil, mais c'est plus chic, mourir d'un acronyme...) et déjà les rumeurs habituelles courent comme toujours chez les pauvres (les autres savent bien que ce n'est pas vrai...) : il était riche comme Cresus...
Voila, l'Indien est mort et je dois vous avouer que je suis un peu triste...
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1 commentaire:
Il est de ces personnes sans importance, des moins que rien, des midéreux qui pourtant de leur petite lumière nous en mettent plein la vue. Eclairer la vie autrement est évidemment la plus belle richesse qui soit.
Il était donc évidemment de gande fortune ton indien…
:-)
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