22 juin, 2007

Faites de la musique ! In memoriam Maurice Fleuret

"Faites de la musique !" C'est ainsi que fut formulée en 1982 la première invitation à participer à la Fête de la Musique. C'était il y a vingt cinq ans...
Voici ce que j'ai écrit à propos de la Fête de la Musique et de son vrai inventeur (non, ce n'est pas Jack Lang...) dans un petit livre paru chez l' Harmattan il y a deux ou trois ans ( "Histoires de la Musique")
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La “Fête à Maurice”

La Fête de la Musique est une invention associée à l’image de Jack Lang mais son véritable inventeur est, comme chacun ne sait peut-être pas, Maurice Fleuret. On parle encore de Jack Lang, mais pratiquement plus de Fleuret qui est mort en 1991 et c’est bien dommage car il fut, comme je l’ai dit précédemment, avec Marcel Landowski, l’un des plus efficaces et inventifs directeurs de la musique depuis que la fonction existe. Je l’ai un peu connu à l’époque où, critique musical au Nouvel Observateur, il exerçait aussi ses talents au Festival d’Automne à Paris en tout oecuménisme avec son directeur Michel Guy qui allait devenir le premier ( et pas le pire, loin de là) ministre de la culture de Giscard d’Estaing. Il était vif, assez froid mais avec de l’humour, et avait une idée neuve toute les deux minutes. Érudit sans pédanterie, ses écrits sur la musique et ses critiques sont compréhensibles par tout le monde et s’il s’est intéressé à la musique de sont temps, ce fut toujours avec tolérance et dans le seul et unique but de lui être utile. Il inventa pour le Festival d’Automne un bidule invraisemblable et proprement génial qui s’appelait “La Galerie Sonore”. J’en fus, puisqu’il s’agissait d’une coproduction avec les J.M.F, l’un des premiers animateurs. Imaginez la plus extraordinaire collection d’instruments de musiques pour la plupart neufs, venus du monde entier qui ne fut pas l’Europe, chaque instrument en plusieurs exemplaires et que tout un chacun pouvait manipuler à son gré. Il y avait là des sanzas, des balas, des séries complètes d’anklungs, des walias , des tambours africains de toutes régions, des cithares, des zarbs, des bendirs, des santours, des sifflets de bergers, et autres cloches de féticheurs et tambours d‘eau ; le seul fait de dire ces noms à haute voix est déjà toute une musique. Ces instruments venaient tous de leur pays d’origine, Fleuret avait prêté quelques objets de sa collection personnelle dont un superbe tambour à lames qui ne résista pas hélas aux assauts de quelques enfants enthousiastes. Il y avait dans cette histoire un projet artistique, mais dépassé de loin par celui qui consistait à faire admettre une fois pour toutes, en accord avec (encore lui...) Lévy-Strauss, qu’aucune culture n’est supérieure à une autre. Nous étions en mille neuf cent soixante-treize et des milliers d’enfants des écoles de la région parisienne puis de la France entière, furent pendant deux années scolaires et plus, invités à se frotter de la manière la plus pratique, c’est à dire par le contact direct et simple avec ces instruments et par le geste, à des cultures différentes. Lorsque je vois actuellement de jeunes musiciens frappant avec plus ou moins de bonheur et d’inspiration des “djembés” je crains qu’ils ignorent l’identité de celui qui est à l’origine de cet engouement et j’en suis un peu triste . Pour ce qui est de la Fête de la Musique, bien sûr l’inventeur comme Frankenstein a été dépassé par sa créature... Mais ce n’est pas bien grave, hormis le coté obligatoire de la chose qui est totalement opposé à l’idée de spontanéité de l’origine. Je me souviens pour avoir été de ceux qui ont organisé la première “Fête de la Musique”, du secret dans lequel cet événement qui allait devenir très médiatique devait être tenu et ce jusqu’au dernier moment pour en garantir la spontanéité. Cela bien entendu ne devait fonctionner qu’une fois... Mais il reste vrai que si l’événement est devenu un succès mondial il a perdu de sa fraîcheur, puisqu’il est maintenant organisé, encadré, réglementé, alors que l’intention première était que cela fût une fois par an le bordel musical absolu dans sa plus joyeuse manifestation. Pour ce qui est du reste du travail de Fleuret, n’oublions pas qu’il a mené à bien les initiatives de son prédécesseur dans ce qu’elles avaient de meilleur et mis au point celles qui étaient destinées à les relayer. J‘ignore si les compagnies de danse actuelles savent encore ce qu‘elles lui doivent. La multiplication à son époque des petites compagnies, même si elle a été assez mal maîtrisée (bon nombre d’entre elles ont disparu depuis pour des raisons prévisibles) et les moyens de vivre qui leur étaient octroyés, c’est lui... Le renouveau de la musique ancienne et la création des ensembles baroques français, c’est encore avec lui que cela fut possible... On pourrait multiplier à l’envi les citations des projets qui ont abouti grâce à lui et de ceux, bien entendu, qui perdurent.
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