Les champs ont soif, les malheureux !
Moi, de même. Pitié pour eux !
Vierge Marie,
Aussi pour moi, je vous en prie.
Voyez, clochant sur leurs fémurs,
Les blés, avant qu’ils ne soient mûrs.
A la malheure !
Ils seront fichus tout à l’heure.
Et moi, Madone, qui n’ai bu
Depuis la mort du père Ubu,
Voyez ma gorge…
Il n’y passerait un grain d’orge.
Voulez-vous faire des heureux ?…
Du vin pour moi, de l’eau pour eux.
Oh ! L’oeuvre pie
Que de guérir notre pépie !
Intercédez, Reine des lis !
Auprès de votre divin fils :
Rien ne le touche
Comme un mot dit par votre bouche !
Dès qu’il entendra votre voix,
Je suis sûr qu’il me dira : bois,
Te désaltère.
Il dira, de même, à la terre.
Et, dans l’instant, il répandra
Un bienfaisant Niagara,
D’une main preste,
D’eau divine et de vin céleste.
« Voici de l’eau, vous dira-t-il,
Chère maman, à plein baril,
A pleine tonne,
Pour que ta campagne mitonne.
« Voilà du vin pour ton Ponchon,
Voilà du vin pour ce cochon…
Qui croit que vivre,
Ne vaut qu’autant que l’on est ivre. »
Et tout aussitôt je verrai
Un vin sympathique et doré
Sourdre, rapide
Dans mon verre à cette heure vide.
Tout aussitôt les lourds épis
Réveillés, sans plus de répits,
Gonflés de sèves,
Se tiendront droits comme des glaives.
Et vous verrez les pauvres gens
A pas nombreux et diligents,
En vos chapelles,
Apporter leurs primes javelles.
En procession ils iront
Ceindre, ô Madone ! Votre front
De marguerites,
Et de lis, vos fleurs favorites.
Et moi le profane rimeur,
Si j’en dois croire la rumeur,
Moi, dont la muse
Est une bacchante camuse,
Je saurai bien, dans un couplet,
Vous égrener un chapelet
De rimes blanches,
Sur ma lyrette des dimanches.
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