13 mai, 2011

Les bons comptes des mythologies familiales

Les mythologies familiales ont ceci d'extraordinaire que ceux qui les racontent, les "écrivent", s'attribuent sans problème le don de mieux connaître votre vie que vous même et le pouvoir de l'affirmer.

C'est ainsi que je suis encore, toujours, celui à qui, lorsqu'il était enfant, sa mère rapportait à chaque fois qu'elle "montait" en ville pour aller au marché une auto miniature Norev ou Dinky toys pour ceux qui se souviennent. Cette rumeur me colle au cul depuis des lustres et rien ne peut la faire disparaître ; même si mon parc automobile de petit garçon n'était pas misérable, il était celui de tout gamin de mon âge parmi mes camarades d'école.

Alors si je compte bien, à raison d'une auto à chacune des trois sorties hebdomadaires maternelles au marché, j'aurais collectionné 52 X 3 = 166 autos par an. Considérant que ce goût pour ces jouets a duré environ de 6 ans à 11 ans, j'aurais eu avant de me lasser 166 X 5 = 830 autos miniatures auxquelles on peut ajouter, en comptant large, pour faits d'anniversaires, de Noël et hypothétiques bonnes conduites, une vingtaine par an soit 5 X 20 = 100. On arrive à un total de 930. Imaginons que peu soigneux, (les enfants gâtés, c'est bien connu, le sont tous et plus qu'un peu !) j'en eusse perdu, cassé la moitié, il m'en serait resté tout de même 465, ce qui est infiniment supérieur au nombre de modèles sur le marché à l'époque quand le fait d'avoir deux fois la même ne présentait aucun intérêt. Et puis, ce serait nier l'économie familiale du moment que de l'occulter, ma mère, même si nous n'étions pas pauvres, n'avait pas les moyens, quand bien même l'eussé-je harcelée, de céder à ces prétendus caprices qui n'ont jamais existé à un point si caricatural. Si vous ajoutez à cela qu'elle n'était pas spécialement du genre à se laisser emmerder...

Vous allez me dire, "t'es vraiment con, de compter ! cette histoire ce n'est "qu'une façon de parler". Mais, est-ce vraiment plus con, fût-ce sur le plan de la narration, de développer une fois un argument jusqu'à l'absurde que d'asséner un raccourci pour, par la suite, le réitérer à l'envi ? La démonstration est aussi volontairement idiote que l'affirmation qui l'induit, elle, sérieusement. Car justement, c'est ça que je ne supporte plus, la "façon de parler" qui masque par un discours un peu sensationnel, exagéré et quasiment magique un manque absolu et finalement craintif d'intérêt pour ce que fut réellement mon enfance, sa découverte même tardive, et que moi seul sais. Oh, il ne s'agit en rien, et c'est tant mieux, de ces secrets de famille qui vous dézinguent l'ambiance et niquent les consciences le jour où on les dit, non, mais tout simplement de choses qui sans être gravissimes ne sont pas forcément plus agréables à entendre aujourd'hui qu'elles le furent à vivre en leurs temps.

Un enfant n'est pas toujours et par essence, fût-il le petit dernier, un capricieux morveux. C'est parfois un être banal et qui, banalement, souffre. Mais les mythologies ne s'intéressent pas au banal, mais à l'extraordinaire. Quand il n'existe pas, il leur faut l'inventer.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

La famille assigne des rôles et ne connaît pas les êtres. N'importe que instituteur fût-il borné, connaît mieux un enfant que ses parents, ne serait-ce que parce qu'il passe beaucoup plus de temps avec lui et en situation sociale, dans la vie... IL faut s'y faire...
Hors landau

Un neveu a dit…

Le chouchou, c'est toujours l'autre.
Un des (nombreux) travers, dans cette famille, c'est de se repaître d'anecdotes, plus ou moins vraies. Surtout moins que plus, d'ailleurs. J'en connais quelques autres, que nous pourrons échanger à l'occasion.

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