12 mai, 2008

Des mots ? mais pourquoi faire ?

Que faire avec des mots, des mots qu’on écrit, j’entends ! Scripta manent comme disaient les romains qui savaient ce que mot et écriture veulent dire. Tenez, promenez vous dans Rome, c’est plein de trucs écrits en latin , partout, dans tous les sens, sur les murs, par terre, sur les trottoirs, les voûtes, les fontaines, les colonnes, les linteaux, là où il faut et n’importe où autant. Et attention ! pas des tags à la con, pas grattés au Mont-Blanc dérobé d'une main rollexisée pourtant analphabète, non des trucs gravés à l‘aide de ciseaux, de pointes, burin-marteau, bref avec de vrais outils et qui ont survécu à deux mille ans de vie urbaine... à l'époque, l'écrivain sculptait vraiment sa phrase... mais, je divague, revenons à nos mots.
Que fait-on avec des mots, des mots qu’on écrit, à la main, (de moins en moins) à la machine à écrire, (encore moins encore...) à l’ordinateur ? Le progrès n'y a rien changé et comme avant, on peut écrire un tas de trucs, du plus utile au plus futile, du plus doux au plus violent, du plus intelligent au plus bête, en passant par toutes les nuances intermédiaires.
Tenez, on va faire simple : l’ annuaire. C’est fait avec des noms, me direz-vous ! oui, certes, mais si les noms ne sont pas des mots, alors... tiens, justement, le Bottin, tout comme poubelle ou bourdalou, un éponyme, un patronyme qui est devenu un nom commun , un mot banal...
Après : la liste des commissions, dès fois qu’on oublierait quelque chose et qu’au cinquième étage sans ascenseur... Le “manifeste” du capitaine au long court, inventaire pointilleux des biens du navire et celui plus tardif et bien moins pointilleux du Parti Communiste, bref, des listes.
Ensuite, il y a le mot sur la table, pour qu’on ne s‘inquiète pas “Je suis parti faire les courses” (avec la liste, bien sûr!) et le mot sur la porte “ la concierge revient de suite” ou pour les imprudents : “Chéri(e), la clef est sous le paillasson, n‘oublie pas de fermer si tu re-sors !“. Il y a un verbe, net progrès, sauf dans les cas extrêmes : “ Ras le bol ! Adieu! “
Après, les mots, ça sert à écrire la Bible, la Bhagavad-gita, Le Roman de la Rose, le Popol Vu, le Livre des Morts Tibétains, le Petit Livre Rouge et bien sûr l’Intégrale Marcel Proust, les seuls écrits qu’on relit avant de les avoir lus.
Ça sert aussi, et c'est utile, à fournir du papier hygiénique quand c'est, par exemple et sans mépris aucun, Christine Angot qui fournit.
Ça sert à faire rigoler, de Plaute à Bertold Brecht en passant par Céline, à faire pleurer aussi, de la Princesse de Clèves à la Porteuse de Pain en passant encore par Céline.
Ça sert à dire sans se gourer la messe, le kaddish... Ça sert à annoncer les vivants et les morts, les nouvelles du jour, les possibles demains.
Ça sert à parler du passé, du présent, du futur... et ce, d’un seul et même ton : péremptoire.
Parfois ça donne un peu dans le doute. Ça prétend oeuvrer pour l’espoir, mais ça sert en même temps aux testaments, aux vœux, aux codicilles...
Ça sert à raconter histoires vraies mais aussi coquecigrues, balivernes et autres carabistouilles
Ça sert à signifier "arrêts de mort" et "élargissements"
Ça sert à faire des promesses électorales d’une encre sympathique qui travaille à l’envers, s’effaçant aussitôt qu'on l'écrit.
Ça sert à dresser des panégyriques, à décerner des bonnets d’ânes.
Ça sert à adouber et ça sert à exclure.
Ça dit la conversion et ça dit l' anathème
Ça sert à graver la loi dans le marbre des peurs ancestrales.
Ça sert à écrire des manuels pour l'édification des masses.
Ça sert à écrire des journaux obsolètes avant que d'être secs mais pas assez secs pour ne pas vous tacher les doigts.
C'est à tous les instants l'auxiliaire du pouvoir...
Ça sert à faire une chanson désastreuse pour Dalida et Alain Delon et qui justement en parle, des mots ! “Encore des mots, toujours des mots ! “
Ça sert aussi à écrire Mein Kampf “ et le “Protocole des Sages de Sion et là, contrairement à “La Recherche“, ceux qui l‘ont lu ne s’en vantent pas...
Ça servait à Charles Trenet tant mieux, ça sert à Barbelivien, tant pis !
Ça sert, c’est étonnant, à écrire énormément de trucs sur les gens qui écrivent et sur ce qu'ils écrivent.

Et ça sert aussi au Poète, c’est à dire à ce Rien qui est Tout...

Ça
sert enfin à écrire "Je t'aime" quand on n'ose pas le dire...

Mais ça sert, et vous l'aurez compris, aussi à se faire plaisir...

Alors, si vous voyez encore d'autres utilisations, voire d'autre utilité, c'est ouvert !
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