04 juillet, 2010

Il s'appelait Laurent Terzieff

C'était un comédien de théâtre, d'abord. Il avait donc "une voix", reconnaissable entre toutes, timbrée, grave, une voix de violoncelle, aux intonations successives, rudes ou enjôleuses, à la diction toujours parfaite et comment dire, élégante. Il avait aussi un physique inoubliable, noueux, enflammé, une sorte de sarment de vigne, des yeux de buisson ardent, toujours, slave, évidemment, et tout ça et c'est le plus extraordinaire, sans jamais, vous entendez ? sans jamais sur-jouer. Une merveille. Terzieff faisait l'unanimité, je sais, ça veut rien dire, Reno et Clavier aussi. Il avait une vision du théâtre très précise, très personnelle, militante sans doute ; il savait aussi s'engager dans la vie pour de justes causes ou contre d'odieux combats. Bien qu'il ne fut pas un éteignoir, un pisse-vinaigre, un emmerdeur sinistre, jamais on ne le vit dans une pièce vulgaire, jamais non plus, à moins que je ne me trompe, dans une pièce marrante. Le théâtre était pour lui chose sérieuse, un apostolat, pas une rigolade. Tiens, il y en avait quelques autres comme ça, Cuny, Blin, les grands disparus ses aînés ou encore Lonsdale son contemporain, toujours, même s'il a transigé parfois et pour notre plus grand bonheur. Le problème avec ceux-là, si comme moi on les aimait vraiment, énormément, c'est qu'on était obligés pour les voir et les entendre de se farcir parfois des pièces d'un chiant total. Terzieff, eh oui, ça se méritait ! C'est un peu comme Pollini ou Argerich, on y va pour eux, le programme est secondaire...

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