13 mars, 2008

Le Lion d' Hamadan et le casseur de sucre

Nous avions traversé la Turquie, essuyé dans le Kurdistan les jets de pierre des enfants qui visant la calandre des rares donc magiques autos étrangères font des voeux et s'esquivent, dormi au Lac de Van, visité Trébizonde, et puis, passée Tabriz, nagé dans la Caspienne. C’est ainsi que sur la route de Téhéran nous réalisons d'un seul coup, qu'un peu plus au sud à deux cents kilomètres se trouve Hamadan, l'antique Ecbatane dont les créneaux des multiples enceintes étaient selon Hérodote," noirs, blancs, écarlates, bleus, orange, argent et or..."Au lieu de nous rappeler nos cours d'Histoire qui font rêver, on aurait mieux fait de lire un guide touristique... Après une nuit passée, épuisés et par défaut, dans un champ de caillasses peuplé de tarentules, nous arrivons à Hamadan. Toutes les grandes villes d'Iran de l’époque sont affublées d'une porte monumentale en béton armé, arc de triomphe et de modernité à la gloire du Shah (et de ses prétendus ancêtres) qui cette année-là organise à Shiraz les fameuses fêtes anniversaires de la Perse. Hamadan, comme tant d'autres, possède la sienne, sorte d’enseigne Mac-Do surdimensionnée. Mais d’Ecbatane il ne reste rien, si ce n’est un lion de pierre, unique survivant d’une allée qui fut majestueuse, un lion informe, galet cyclopéen poli par le vent, les siècles et le sable ou la fureur des hommes. Nous faisons demi-tour pour gagner Téhéran. Sur la route, dans un village empoussiéré, en plein midi, un homme enturbanné vêtu d'un jodpuhr blanc et d'une vieille veste en tweed, accroupi devant une maison de briques sèches, d’un tout petit marteau qui scintille au soleil et sur une petite enclume, transforme pour son client au regard attentif, un pain de sucre en cubes minuscules parfaitement calibrés. Je n’ai certes pas vu les murailles d’Ecbatane mais j’ai vu un casseur de sucre professionnel... Si d'aventure je reviens à Hamadan, c'est certain, je retrouverai le lion. J'ai peur en revanche de ne jamais revoir le moindre casseur de sucre...
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un bien joli récit dont la conclusion est signe de notre époque : le privilège de l'histoire monumentale sur celui qui tombe hors de l'histoire.

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