25 novembre, 2007

Béjart Maurice, pour mémoire

Nathalie, oui oui la même, me demande pourquoi je n'ai rien dit de Béjart mort. Je suis toujours triste quand quelqu'un d'intéressant et qui a d'une manière sympathique marqué son époque, surtout quand c'est la notre, disparaît. Béjart c'est un type bizarre, fait d'orgueil intense et d'humilité totale et je crois sincère, d'un hermétisme navrant et d'une simplicité réjouissante ; faisant preuve d'un goût affirmé pour le syncrétisme culturel, après avoir flirté avec les religions d'extrême-orient dans le sillage de Daniélou, il avait, comme Garaudy, cédé aux charmes de l' Islam...( Bon, ok, c'est plus facile quand on est très occupé, de dire la " Sourate de la Vache" que de passer quelques mois dans une Yeshiva, ou trente ans dans un ashram, peu importe...)

Il a inventé des ballets sublimes et d'affligeantes bouses. Il le savait, le reconnaissait et ne revendiquait totalement que ce qu'il considérait comme ses grandes découvertes : ses danseurs, Donn ou Guilhem pour ne citer qu'eux, puisque disait-il, c'est le corps de ses danseurs et danseuses qui l'inspirait, d'où chez Béjart et peut-être est-ce là que se niche son génie, la permanence d'un érotisme latent et (c'est je crois, le plus important pour l'époque) toutes tendances allègrement confondues... Avec lui (pour d'autres aussi, chez Nijinsky déjà, mais c'est Béjart qui nous intéresse), homme ou femme, de la même manière, la "personne qui danse" a enfin un corps au point que le "Corps de Ballet" devient lui-même un gigantesque corps ( souvenez-vous, la IX° de Beethoven)

Il faisait donc du Béjart (c'est bien normal, reproche-t-on à Mozart d' avoir fait du Mozart, Ravel du Ravel ?) et ce pour le plus grand bonheur des passionnés mais aussi des cuistres, car un ballet de Béjart, involontairement ou non, au bout de deux secondes quinze centièmes et comme Mozart au bout de trois mesures, on reconnait, on pouvait en causer dans les dîners. D'ailleurs on parlait de Béjart plus que de ses ballets, comme pour Boulez, on était pour/on était contre... pas moyen d'avoir un jugement moyen, tout en restant incapable de dire pourquoi (la danse, c'est comme la musique "ça s'apprend un peu"...). Béjart, c'était devenu une image : "la" danse moderne contre Gisèle, le collant-chair contre le tutu... Béjart craignait de mourir le même jour qu'un politicien quelconque dont il avait peur qu'il lui ravît la vedette... Contrairement à ce qu'il disait, car il était injuste à ce sujet, les français l'adoraient, les ministres de la culture et leurs sbires, allez savoir pourquoi, beaucoup moins...

Il reste que les oeuvres de lui que j'aime vraiment sont les premières, La symphonie pour un homme seul, Le Sacre, l'extraordinaire Messe pour le temps présent; bien sûr Boléro et surtout peut-être la très oubliée Reine Verte. Je pense que sa meilleure période est celle de sa collaboration avec Pierre Henry. Après, j'aime moins, les ficelles devenait des cordes, et comme chacun sait, les "cordes" sont bannies des théâtres... Jusqu'à ce bidule d'un invraisemblable goût de chiottes dont j'ai oublié le nom, et qui avait le Sida pour sujet. Il le savait pourtant, qu'on ne fait pas de bonnes oeuvres avec de bonnes intentions ni de bons sentiments...

J'espère, car hélas ils ne sont plus tous jeunes, que ses contemporains Merce Cunningham, Roland Petit et autres Rosella Hightower, seront autant honorés que lui, car leur rendre hommage aidera à extraire Béjart de son "collant" de "Phénomène social". La danse moderne et/ou contemporaine ce n'est pas que Béjart et le plus grand service qu'on puisse lui rendre, c'est de le démythifier pour lui restituer son statut primitif, son essence, celle d'avoir été un chorégraphe impressionnant, mais parmi d'autres, tout simplement.

Voila, Nathalie, j'avais fait l'impasse, c'est réparé...

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