14 mars, 2007

Ateshgah

Tenez. Je suis à Bakou, la ville mauve. Je saute dans un taxi, une vieille Volga d' apparatchik usée mais qui a toujours fière allure et je me fais conduire à une quarantaine de kilomètres, dans la grande banlieue au nord de la presqu'île d'Absheron. Le paysage est aride, le chauffeur va se tromper, demander son chemin, faire demi-tour, revenir... La route est goudronnée mais un peu défoncée, on pourrait être en Anatolie, des maisons en parpaings ou en briques pas vraiment finies côtoient des demeures seigneuriales, en parpaings aussi mais celles-ci terminées, enduites, peintes, entourées de murs, surveillance-vidéo... (La chute du mur a permis d'en construire d'autres...) Et petit à petit on se rapproche et l'on arrive dans un village... Poussiéreux, des maisons basses, quelques restes et emblèmes de constructions de l' ère soviétique... et puis surtout, partout, ces canalisations qui traversent les rues, les jardins, les places publiques, remontent le long des murs, passent au dessus des portes, contournent les arbres maigres, se croisent en un réseau fort incommode que les habitants enjambent constamment pour aller d'un coin à un autre... femmes chargées, enfants qui jouent... des tuyaux, à dire vrai des pipe-lines, à gauche, à droite, en haut, en bas et en travers... Ici le pétrole suinte et le gaz fuit de partout... et ça ne date pas d'hier. Le village exposé à tous les vents surplombe la Caspienne et l'on peut voir dans la pierraille des flammes même en plein jour. C'est le gaz qui sort naturellement de terre sous pression, qui s'enflamme et qui brûle... Ça sent fort le pétrole, et curieusement on s'y fait... Le chauffeur a fini par trouver. Extérieurement : un mur crénelé de pierre sèche et un peu jaune. Une porte fortifiée. On entre... Une cour polygonale, et presque au milieu, un cube de pierre calcaire, coiffé d'un petit dôme et orné à chaque angle d'un ( réel ) pot à feu ; cette construction aux proportions parfaites couve en son centre une flamme identique à celles que j'ai vues dans les champs avant d'arriver. Je suis à Ateshgah, le Temple du Feu... le lieu ou pensa Zoroastre ... Et là, d'un seul coup tout se mélange : Mazda, Nietzsche et la Flûte Enchantée... Les bâtiments d'une sobriété exemplaire datent du XVII° siècle mais il est certain que la flamme brûle depuis bien plus longtemps. Et j'ai alors un sentiment équivalent dans l'émotion à celui que j'eus à la Mosquée d'Omar à Jérusalem (monument de petite taille lui-aussi). Oh ! pas de délire mystique... Non simplement un bien-être intense et simple et le sentiment d'être lié, du fait de la flamme, au passé le plus lointain d'une manière ininterrompue... Ateshgah c'est minuscule. Le temple doit faire seize mètres carrés... l'enceinte autour qui fut aussi caravansérail, mille mètres au plus...On doit pouvoir loger cent Ateshgah à l'intérieur de Saint-Pierre de Rome...et trois temples sous le Baldaquin. Est-ce le soleil, l'odeur... l'univers totalement minéral, pas un arbre, pas un brin d'herbe à l'intérieur du lieu sacré, bref le dépouillement absolu ? Moi qui suis si sensible aux fastes, je me suis fait (encore) piéger par la rigueur et la sobriété... Ateshgah plus impressionnant que Saint-Pierre... c'est probable... Les Azeris sont des gens curieux. D'une tolérance totale, (la communauté juive comme toutes les communautés minoritaires ne fut jamais inquiétée), musulmans soufis d'obédience et zoroastriens en cachette (le culte existe toujours m'a t-on dit...) c'est peut-être là que se trouve la limite entre l'occident et l'orient....

Aller Paris-Bakou, cinq heures de vol. Bakou-Ateshgah une petite heure... En se débrouillant bien, ça se fait en un week-end... Sauf que Bakou, "La Ville aux Sept Vents" est superbe, qu'on peut y passer huit jours sans s'ennuyer un instant et qu'on y trouve des tapis superbes ( en particulier des Goubas aux bleus si intenses et aux motifs fort lisibles, mes préférés...) pour des sommes très raisonnables et qui de surcroît ne sont pas fabriqués pas des enfants esclaves ( les 80 ans de communisme n'ont pas eu que du mauvais et ont évité ça...) Je ne vous dirai rien des brochettes d'esturgeon au coulis de grenade, ni du caviar frais du jour...
De plus, l'Ambassade de France est extraordinairement accueillante et le personnel remarquable dans sa compréhension du pays...
Tiens, c'est bientôt Novruz... je vous en parlerai.
Mais au fait, pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça, quand je vous montre des photos...

Photos : Window 2Baku et Baku info

1 commentaire:

LESA FAKER a dit…

on y va quand?

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