04 mai, 2012

l'anaphore sidérante ou de la supériorité momentanée du "littéraire"

Le grand moment de ce débat restera sans conteste la très culottée anaphore de Hollande ." Moi , président etc... " quinze fois de suite.... qui laisse sans voix  un Sarkozy qui visiblement ignore un  procédé rhétorique que même un  avocat stagiaire de chef lieu de canton  connaît, s'il ne le maîtrise. 
L'anaphore la plus célèbre est bien sûr celle de la scène 5 de l' acte IV de Horace du divin Corneille :
Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon  amant !
Rome qui t'a  vu naître et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !
 C'est donc bien un truc de théâtre autant que de prétoire et Hollande prenait un risque énorme en la mettant en œuvre,  car il faut être bon  acteur pour la dire sans que ce soit insupportable.  Faut avoir du souffle, plus Alain Cuny que Louis de Funès, plus Jeanne Moreau que Jacky Sardou... 
Sarkozy aurait dû l'applaudir et le féliciter, transformer le challengeur en comédien.... Seulement  Sarkozy  non seulement  ignorait le mot, mais pire  découvrait visiblement  la chose... 
Et ce d'autant plus que l'anaphore de Hollande est résolument performative...

On a donc assisté  à un truc bizarre. Un grand bourgeois lettré de gauche, clouer,  par un bidule que tout le monde connaît, le bec à un bateleur inculte de droite.
La sidération...
La Princesse de Clèves s'en esclaffe et se gausse....  

2 commentaires:

Calyste a dit…

J'ai trouvé que l'anaphore avait une certaine gueule. D'ailleurs, même sans anaphore, je suis un inconditionnel de la Princesse de Clèves!

P. P. Lemoqeur a dit…

je veux ! que ça a de la gueule ! mais faut être en forme pour l'oser ! Il a osé et ça a marché.

Pour ce qui est de la Princesse, comment ne pas l'aimer ? Ok, elle est pas toute simple... mais le sommes nous ?

Tiens, sur youtube il y a des extraits du film. C'est extraordinaire car Cocteau et Delannoy ont, pour les dialogues, pioché dans le texte original sans en changer un iota, et c'est admirable à entendre.

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