12 juin, 2012

Un saint !

Le collège Saint-Stanislas était tenu par des prêtres, mais comme il flottait encore dans les lieux, des lustres après leur départ fût-ce à l'état de traces  quelques effluves, miasmes et habitudes  jésuitiques, on appelait ces braves ensoutanés "Père", comme au temps du  bon temps. Il y en avait pour tous les goûts, puisqu'il y en avait de tous les genres... 

Le père Redureau   portait soutane, camail et barrette, la barrette n'étant pas dans ce cas précis  une pince à cheveux, mais une sorte de calotte rigide surmontée de quatre petites ailettes disposées en croix. Il était tout petit, mais avait un profil d'aigle des plus impressionnants ; il faisait peur à tout le monde  car il était "préfet de discipline". C'était au demeurant le meilleur des hommes et comme on savait  qu'il avait été gazé  pendant la guerre de 14, d'aucuns venaient  peler leurs  oranges  quasiment sous son nez ce qui le faisait s'étouffer sans rien dire ni se plaindre...  Il s'appelait Hilaire, signe irréfutable de sa pictavitude ..

Il y avait le père  Werner, alsacien, pompier bénévole et professeur de français-latin. Il roulait, Dieu sait pourquoi les "r" comme un bourguignon.. Il était aussi obsédé  par le code de la route qu'il nous enseignait à chacun de ses cours   pendant  quinze minutes au moins.  C'est ainsi qu'il  utilisait les panneaux  pour sa pédagogie, le sens interdit indiquant bien sûr l'horrible solécisme..Il nous raconta comment voulant passer des vacances tranquilles, il s'était , bien qu'il n'eut aucun symptômes, fait enlever l'appendice " à titre préventif"... .  

Le père Narval latiniste de proximité  et confesseur recevait à ce titre le plus de demandes. Il faut dire qu'en dehors de ses faramineux sourcils,  les poils  qui lui sortaient du nez et surtout des oreilles en faisaient une  chimère sympathique et grotesque  à qui  je déversais mes petits péchés  formatés et très récurrents qu'il écoutait avec une bienveillance un peu lasse et sans intérêt. 

 Et puis il y avait le père Bouille-Barril qui enseignait  à vrai dire pas grand ' chose,  mais vaporisait dans tout l'établissement des particules  de sainteté salvatrices et inquisitoires. Le père Bouille-Barril vous sondait du regard et s'immisçait en votre âme pour y traquer d'abord et surtout les pensées impures et les actes y afférents. Il fallait, c'était un must, se confesser au père Bouille-Barril,  comme si son absolution bénéficiait d'une plus value  sanctificatrice. Il était d'une maigreur terrifiante et se mortifiait de plusieurs manières dont deux au moins étaient patentes. Il se tailladait au coupe-chou  l'hélix des oreilles à mi hauteur,  entretenant quotidiennement cette plaie sanguinolente. Mais c'est surtout  à table à la cantine qu'il se surpassait,  attendant que tous les plats fussent servis pour, les mélangeant dans son assiette, les engloutir à la cuiller,  sous les yeux consternés de dégout de ses convives enfants.  Il fut surprit  un jour au détour d'un couloir tel  une jeune fille réajustant sa jarretière, la soutane relevée, coincée entre les dents,  en train de resserrer une sorte de garot qui lui bloquait le genou. Il gardait fort longtemps dans sa chambre austère les petites âmes qu'il ramenait à Dieu chaque semaine après leur avoir montré dans un but purement éducatif, des planches d'anatomie masculine délicieusement rétro.    Des années après que j'eusse quitté cet établissement  je demandai un jour à une personne qui était supposée le fréquenter encore ce qu'il était devenu.  1968 était passé par lui, sur lui  et on avait du l'écarter  de ses fonctions d'"éducateur" (!)   après qu'on l'eût surpris à répandre en cachette dans  les lieux les plus fréquentés du collège, salle des professeurs,  salle d'attente des parents, salle de jeu des élèves, des photos pornographiques de qualité moyenne...
Invoquant une santé fragile due à ses années de privation et de mortification,  on l'envoya sans tarder se (re)faire une santé dans une paroisse rurale du sud de la Vienne, du côté de Civray  .

C'est à ces fous divers que nous confiaient nos parents en toute catholique quiétude.  

 
    

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