29 avril, 2011

Le Point Sarrasin ou quand le tiers monde prend sa revanche...

On vient de me donner l'une de ces belles revues qu'on lisait dans les années trente, format Illustration avec de superbes photos en noir et blanc au grain incomparable et des articles pour le moins étonnants. Ça s'appelle "Églises de France" éditée par la "Revue Mensuelle d'Archéologie et d'Art Religieux". Ce numéro date de décembre 1936.
Un article surtout m'intéresse.
Il parle du "Point Sarrasin" et de son succès en Rouergue.
En 1909 un industriel rodézien féru de tapisseries décide de créer à Montrozier (Aveyron) un atelier de haute lisse à la manière des métiers d'Afrique du Nord. Le Rouergue est un pays de mouton, donc de laine. Il fait venir d'Algérie une technicienne du tapis pour, en l'initiant, retenir une jeunesse tentée par le mirage parisien d'émigrer, et surtout "offrir à la main d'œuvre féminine locale un travail rémunérateur et une occupation domestique permettant les travaux ménagers" , c'est à dire des journées doubles pour la plupart des travailleuses mères de familles qui tombent dans le panneau...
L'œuvre (sic), nous dit-on, prend en quelques années une telle expansion qu'on doit transférer le petit atelier primitif dans un espace beaucoup plus grand dans une commune voisine.
Il va de soi que cette production aveyronnaise se fait aux dépends de la production algérienne encore française pour quelques lustres. C'est, de toute évidence, tout à fait normal ; le pillage des idées et celui des techniques, fussent-elles ancestrales, n'est pas, dans une persistance constante du projet colonialiste, plus immoral que celui des richesses.
Mais survient la guerre de 14/18 qui, on le sait, brouille les données économiques de la France et oblige les femmes cantonnées dans des travaux féminins à les abandonner pour remplacer les hommes partis mourir au front... La création de tapis n'est plus vraiment urgente en temps d'effort de guerre.
En 1919 la production reprend.
Et c'est là que les propos de l'article écrit en plein Front Populaire deviennent extraordinaires. Car le journaliste s'offusque de ce que la fabrication de produits algériens "médiocres, sinon tarés" (sic) vienne, profitant de l'aubaine d'une interruption des activités locales, et (déjà !) d'un dumping social clairement imputé aux patrons algériens, concurrencer une production française socialement irréprochable (!) et de toute première qualité...


1 commentaire:

CHROUM-BADABAN a dit…

En ce moment c'est le retour du point de croix !

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