10 juin, 2008

Jaroussky ou Deller ?

Youtube, c'est infernal. On ne peut pas s'empêcher de comparer. Je tombe à l'instant en cherchant des oeuvres de Purcell, sur deux versions de "Music for a while", côte à côte ou presque. Jaroussky en pleine forme et Deller tout ce qu'il y a de plus mort. J'écoute les deux versions. La version Deller, c'est celle du vieux disque, ça gratte un peu, le continuo est au clavecin avec ce qui me semble plus être un violoncelle qu'une viole de gambe. Celle de Jaroussky filmée en concert est accompagnée par un seul clavecin confié à une claveciniste-dactylographe, sans grande fantaisie, petit écrin juste destiné à mettre en valeur le chanteur... Jaroussky, c'est vrai, c'est bluffant. C'est un timbre superbe, une justesse irréprochable, une technique éblouissante, une maîtrise parfaite de tout, un accent anglais qu'on envie.Chose curieuse et contraire à toute attente, il chante un ton et demi au dessus de la version Deller ; bref c'est parfait, le clavecin serait soumis à un petit tempérament inégal que ce ne serait pas plus mal, mais on ne va pas chipoter. Deller, c'est autre chose, une technique vocale tout à fait autre, un timbre différent, il est probable qu'il a choisi un diapason plus grave, ce qui gagne en saveur ( il connaissait dès les années soixante le diapason à 415 et les tempéraments inégaux). Là où Jarousssky nous la joue sonnez hautbois résonnez trompette, Deller nous la fait viole de gambe, douceur, rondeur, confidence, gravité, sorrow... Jaroussky a tendance à confondre "Music for a while" et " Sound the trumpet" du même Purcell (in "Come ye sons of Art"). Deller qui chantait les deux, lui, ne se trompait pas. Jaroussky proclame, se fait péremptoire quand Deller murmure, doute... Mais enfin, Purcell, ce n'est pas Vivaldi (heureusement !). Ce qui fait que lorsqu'on écoute les deux versions dans la foulée, Jaroussky c'est dommage, paraît ici d'un chiant, d'un convenu-superficiel-égotisme-forcené : oyez ! comme je chante bien ! C'est vrai sauf que... toutes ses réelles qualités ne parviennent pas à faire oublier cet ennui et le rendent de surcroît impardonnable. A vouloir tout maîtriser on fini par dompter l'essentiel : la sincérité... Jaroussky prend appui sur Purcell, Deller se cachait derrière... L'un le servait, l'autre s'en sert et finalement pas très bien... Allez, Phiphi, défais ta jolie cravate, laisse-toi aller, cesse de penser à toi, choisis plutôt de bons musiciens pour t'accompagner car jamais un bon musicien n'a fait de l'ombre à un autre bon musicien... pense à la musique... et tu deviendras vraiment un grand chanteur. C'est peut-être pas trop tard... Ce que j'ai entendu là c'est bon pour Ruggieri, pour Duault... Tu es bien mieux que ça , ou je me trompe ! Attention, c'est comme ça qu'on devient, même si ça peut rapporter gros, le haute-contre favori de l'universelle ménagère de moins de cinquante ans et du cadre auditeur de Radio Classique, oui, celui auquel dans ton costume de petit comptable, dans ta petite chemise blanche, tu vas finir par ressembler...
Bluffant, disais-je ? Ouais, mais attention, camarade contre-ténor aussi talentueux que tu sois, dans bluffant, il y a quand même bluff... Et puis, après tout, c'est ton histoire, tu fais ce que tu veux, on est pas obligé de t'écouter, pas plus qu'on est en droit, finalement, de te faire la morale...
à vous de voir, écoutez ! cliquez !
Deller ( Alfred, le père)
http://www.youtube.com/watch?v=trOXaDeFeD4&feature=related
Jaroussky ( l'excellent néanmoins)
http://www.youtube.com/watch?v=JCrbTBEeiyQ&feature=related

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour,

Permettez moi de vous poser une question en ce qui concerne Monsieur Jaroussky. Comment pouvez vous savoir s'il chante avec sincérité ou non? Y a t-il une différence entre la sincérité et la musicalité?

Cordialement,
Vanessa.

P. P. Lemoqeur a dit…

Bonjour Vanessa,

Je ne mets pas un seul instant en doute la " sincérité" de Philippe Jaroussky, en ce qu'elle s'approcherait de l'honnêteté intellectuelle, je veux simplement parler de sincérité entant que vecteur d'émotion à destination de l'auditeur que je suis.
Lévi-Strauss dit que l'auditeur " est un créateur en négatif de qui la musique émanée du compositeur vient combler les creux". Encore faut-il que l'interprète, qui est l'inévitable truchement entre les deux sache faire passer "cette émanation".
En l'occurrence, le "courant" passe mieux pour moi avec Deller qu'avec Jaroussky et ce dans le cadre précis de cette oeuvre, je ne les compare pas dans leurs globalités. ...

Reste la question, objective et importante, vous en conviendrez pour peu que vous soyez un peu musicienne, du choix du diapason (on fera l'impasse sur celle du tempérament inégal). Je pense pour ma part, que si je trouve la version Deller plus satisfaisante, c'est aussi parce qu'elle est chantée un ton et demi plus bas que celle de Jaroussky, ce qui lui confère un atout, une sorte de plus value dramatique. Il est possible que l'"instrument" Jaroussky ne possède pas ces graves, ce qui je le répète n'enlève rien à son talent. Peut-être viendront-elles avec cette maturité qui lui sera profitable. Et puis vous le savez bien, un chanteur (homme ou femme et quelque soit sa tessiture)ne peut pas tout chanter à n'importe quel âge... Bien des chanteurs qui l'on cru, s'y sont ruiné la voix... Ce serait dommage.

Voilà.

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