01 juin, 2008

Histoire de pute, souvenir sympathique de la province des seventies...

Alors, voila... dans les années soixante-dix, à Poitiers, le principal lieu de drague homo, c'était, comme les Tuileries à Paris toutes proportions gardées, depuis des lustres, un jardin dénommé "Les Coloniaux". Dédié probablement aux enculeurs de chèvres africaines qui conquirent nos colonies pour la gloire de la France et de la République civilisatrice, il réunissait par sa configuration et la proximité de la gare comme dans toutes les villes de France et d'ailleurs tous les avantages rêvés pour l'expression des sexualités de tous ordres... Bref, aux Coloniaux on trouvait si on était par trop regardant le plus proche de ce qu'on y cherchait... Tout autour du jardin dans la boucle du boulevard qui le cerne on voyait tous les soirs les prostituées locales, codées, formatées, chacune son genre, comme si elles avaient été employées municipales... La pute en cuir, un peu "domina", la lolita, la grosse, la maigre... bref, les genres principaux pour les goûts du moment... A l'intérieur du jardin, consommant rapidement le plus souvent sur place, les homos pictaves ou étrangers.... Mais voila-t-y pas qu'un jour, juste sous le monument, à l'endroit où les homos entrent furtivement ou non dans le jardin, loin des collègues, franc-tireuse, débarque une créature... Oh ! pas flamboyante, discrète, du genre copine, pot au feu, visiblement nouvelle dans le métier... Elle tapine pas depuis bientôt une semaine qu'elle s'aperçoit que la majorité des mecs qui passent devant elle ne lui demandent rien et descendent dans le jardin... Elle se pose des questions et finit par comprendre... Un soir, elle pique sa crise : Pédés ! qu'elle crie, qu'elle pleure, désespérée devant le manque à gagner ! Alors à deux ou trois, on se dévoue, on va lui parler, l'affranchir ! Elle comprend tout, elle est pas conne et l'on devient les meilleurs amis du monde... Et tous les soirs, surtout l'été, la communauté homo poitevine descend au jardin faire la bise à Babette... Ça la protège... elle se sent moins seule ... Comme je suis bavard, elle me cause... Elle me raconte des trucs techniques, une pute garde toujours ses pompes, pas uniquement pour l'érotisme, c'est ce que croit le client, mais en cas de danger, pour fuir ou pour attaquer... Elle me dit que son style (on parle pas encore de look) c'est pour les mecs qui rêvent de faire avec elle ce qu'ils n'osent pas faire avec leur femme, qu'ils pensent qu'à elle, à leur épouse... Psycho-sociologue, qu'elle est ! Même les soirs de relâche, elle ne peut pas s'empêcher de venir, la télé c'est pas son truc ... Alors, comme dans son taf on ne peut pas refuser un client, elle hausse les tarifs, monte les prix, exorbitante qu'elle devient, Babette... Elle me raconte sa vie... elle veut s'acheter un petit commerce, une épicerie, elle veut économiser sous par sous... Je lui demande si elle est maquée.. Mais non bien sûr qu'elle me rétorque, elle a juste un fiancé... qui est en taule en ce moment, à la Pierre Levée... elle me montre sa photo chiffonnée sortie de son portefeuille, ah la salope, elle se fait pas chier, serbe et superbe, qu'il est le mec...Je lui demande, à Babette.. Il te prend ton fric ? Offusquée qu'elle est ! ah mais non ! il me prend rien... Ah bon ! dis-je rassuré... Et elle de me dire l'oeil en coin : il me demande rien, je lui donne tout... Bon j'ai imaginé un instant la convertir au féminisme ambiant... Puis je me suis dit, courageux mais pas téméraire... son fiancé... tout beau mec qu'il est, j'ai pas vraiment envie d'avoir affaire à lui... Un soir que je passais, Babette m'embrasse et me dit en enlevant sous le réverbère sa petite culotte mauve : tiens, je viens juste de la mettre, je te l'offre... C'est ainsi que pendant des mois j'ai arboré sur mes costumes, une superbe pochette mauve, parfumée à Shalimar, (elle poussait le goût du luxe jusque dans ses plus intimes retranchements, Babette) et dont seul je savais l'origine...
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