J'avais l'âge encore tendre où l'on commence à parler, et comme tous les enfants qui s'essaient à la chose je malmenais les mots. Je l'appelais donc Babon car c'était le plus doux avatar de son nom que j'avais pu trouver. Dans Babon il y avait bonbon et je pense maintenant que cette succion régulière par laquelle elle replaçait discrètement son dentier n'était pas étrangère à ce petit nom que je lui donnais. Babon venait le jeudi après midi à la maison faire de la couture. Ce n'est pas que nous étions riches, mais nous étions nombreux et l'on entretenait les habits à défaut d'en acheter souvent. Babon s'installait près de la fenêtre entre la cheminée et la grande table de la salle à manger, la boite à ouvrage à portée de main. Elle reprisait les chaussettes à l'oeuf de bois, réajustait les accrocs, les petits accidents, retramait ou rapiéçait les usures et puis, chose importante, elle recousait les boutons, oh, pas forcément les originaux, mais des qui leur ressemblaient ; elle faisait les ourlets, retournait les cols, et recousait avec délicatesse les trous des fonds de poches, bref elle faisait des choses qu'on ne fait plus de nos jours, des choses qu'on n'imagine même pas... Mais surtout, en même temps, Babon faisait la conversation. Elle avait longtemps vécu en Afrique où son mari, mort depuis quelques années, avait été administrateur colonial. Sa maison tout près de chez nous, toute petite qu'elle fût, recelait de bien bizarres choses, des peaux de bêtes saugages, de curieux sièges, des objets inconnus, des statuettes, de l'ébène, de la corne, de l'ivoire... Elle nous racontait des histoires étonnantes, avec talent, avec humour aussi. Je l'écoutais, Babon, enjôlé par sa voix douce et joyeuse et surtout, j'étais fasciné par le petit, le minuscule cliquetis que faisait son aiguille en grattant ou en frappant légèrement le petit dé d'argent qui protégeait le majeur de sa main droite, délicate, blanche et légèrement tavelée...
02 juin, 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Site counter
Archives du blog
-
▼
2010
(1269)
-
▼
juin
(86)
- Les gens sont bizarres, même les plus proches
- Petits échos de la table d'à côté
- Usbek et Rica m'ont raconté ...
- C'est pas qu'on était pauvre
- En plein dans le "Plexus" !
- Ned Rorem par Susan Graham
- L'offre et la demande
- merde alors ! ce seraient donc des gens comme le...
- "Darius Milhaud et sa musique, de la Provence au m...
- Mais comment se débrouille-t-il ?
- Val tragique à France Inter : deux morts !
- Pourquoi la carrière de Florence auprès de Madame ...
- Hygiène, beauté et tiers monde !
- Femmes de droite, épouses de ministres, révoltez-v...
- logique
- Dictionnaire, à la lettre O comme Olfaction
- L'invitation au shabbat
- Je hais le foot - Fin
- Au feu, en attendant, elles s'embrassaient goulûm...
- Chair à charter et salope homophobe
- Paula Jacques - la sortie du jour.
- Je hais le foot ! Vive Anelka et Vive Finkielkraut !
- "Tu vois le jeu ?" à voir absolument
- Quiet days in Clichy - Henry Miller /Jens Jørgen T...
- sauvés à l'instant d'une poubelle
- Viet Nam : Halte à la pollution !
- Ein Heldenleben ! Trois petites épitaphes pour la...
- Je hais le foot, soit une louche en plus
- Drôle d'élu...
- Le Marché de la Poésie
- Rama Yade ou l' Afrique épargnée
- L'exemple de Rome
- Je hais le foot ou Ca vous apprendra !
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Panem et circenses
- Aveu futile mais important
- Je hais le foot ou la paille et la poutre, le Ho...
- Toto apprend le piano
- Le Shaga
- Surnoms
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Kado de Polo : Aligato ! & Kampaï !
- En pays Mac Orlan
- Ma découverte du jour :
- Percy Grainger, je suis fan aussi...
- La plus belle,
- Boutin fait tin-tin et porte sa croix
- Éloge funèbre
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Oyons les oies
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Les aphorismes de PPleMoqueur
- Chiens devisant chemin faisant
- Famille
- La Folle Complainte ou comprenne qui veut !
- Tenir blog et la Folle Complainte
- Evgen Bavcar ou le paradoxe du photographe
- Des vessies et des lanternes
- Christine Boutin, son humilité, sa possible sainteté
- Les fulgurances ultra-gauchistes de Prosper Mérimée
- Système D l'indispensable !
- Quelques livres et publications que j'ai sauvés au...
- Qu'est-ce que vous entendez par là ?
- Rien que pour des trucs comme ça, j'aime les westerns
- Charles Ives ou le génie à l'état (très) pur
- Un bienfait collatéral de la "Coupe du Monde"
- "Les Bleus vous font-ils encore rêver ?"
- Pour les Zenfants Zencore !
- Les grillons, c'est pas des cons !
- Pierre Henry & Michel Colombier
- Ce soir reception avunculaire
- Imaginez que par une soudaine et imprévisible muta...
- Pour Lesa la rhétoricienne
- Et en plus, elles s'amusent !
- "L'Homme blessé", le pitch pudique
- Obituaire chorégraphique
- Compulsif et alcoolo
- Babon
- Éloge du Savon d'Alep (suite)
- Finasseries de la langue...
- Ça, c'est pour les petits Zenfants
- L'araignée et la mouche, pédagogie pour une révolu...
- Israël : de toute évidence, vu ce qui se passe,
-
▼
juin
(86)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire