Je me souviens... Nous sommes dans la cuisine qui me paraît immense, elle l'est, notre seul luxe alors, c'est l'espace. Mon grand-père Jean-Baptiste prépare la salade ; c'est, avec la lecture commentée du journal sa tache quotidienne, son tribut à la communauté (il pense mal, le bougre ! anti-pétainiste, puis anti-gaulliste, anti-militariste invétéré surtout... son grand homme, c'est Herriot, d'ailleurs il lui ressemble ) ; il sait des vinaigrettes les plus secrets arcanes, j'ai en toute modestie hérité ses dons...
J'ai le sommet du crâne au niveau de la table, il me donne la becquée, de petits morceaux de pommes de terre bouillies, petits cubes doux et tièdes qu'il vient juste de peler. Elles sont de son jardin, goût de noisette un peu, et grasses au palais. Je peux, depuis ce temps, manger les pommes de terre bouillies, natures, sans assaisonnement, c'est même comme ça, au fond, que je les préfère. Je vois à travers la fenêtre les maçons sur un échafaudage qui crépissent la maison qui n'est pas encore terminée, elle ne le sera en fait, jamais... J'entends et je vois cette machine étonnante qu'ils portent en bandoulière et qui propulse dans un bruit de crécelle le crépi sur les murs, en éclaboussant les carreaux. J'ai un peu peur, mon grand-père me rassure, il me montre... Ca s'appelle, dieu sait pourquoi, une tyrolienne... Nous sommes loin d'être riches, mais nous avons une "bonne", Jeannine... Vient-elle d'un institut, d'un triste orphelinat ? C'est un peu la bonne de la " Folle complainte"... Mais le grand père n'a pas de barbe... comme ses camarades cheminots, il a une épaisse moustache grise qu'il lisse régulièrement de sa grosse main tavelée. Il sent le tabac, le Scaferlatti qu'il roule entre ses doigts, et lorsqu'il revient du jardin, l'engrais qu'il a versé. J'aime son odeur, celle de sa cabane où je me sens si bien, ses boucles aplaties lorsqu'il soulève sa casquette pour s'essuyer le front de son grand mouchoir blanc à carreaux violets. Quand il sort son couteau de sa poche, il le tape sur la table avant de l'ouvrir pour en faire tomber, les miettes, les peluches, les scories qui l'encombrent ; c'est à cause de lui plus que de mon père que j'aime tant les couteaux de poche, Laguiole, Opinel, Leatherman, suisses ou encore Nontron au manche de buis pyrogravé... Vous voulez me faire plaisir ? Offrez moi un couteau ! Je vous donnerai, c'est normal, une pièce en échange... Il a des habitudes, comme ça, qui me rassurent. Tout ce qu'il fait quand nous sommes ensemble me paraît être motivé, même et surtout dans ses gestes les plus simples, par l'amour qu'il me porte... Moi je ne dis rien, je suis "tout beunaise", je regarde ses grands yeux gris qui tombent un peu mais qui aussi pétillent. Jean-Baptiste fut ma "crèche" à moi, ma " maternelle" aussi... Dieux ! que j'ai aimé cet homme...
J'ai le sommet du crâne au niveau de la table, il me donne la becquée, de petits morceaux de pommes de terre bouillies, petits cubes doux et tièdes qu'il vient juste de peler. Elles sont de son jardin, goût de noisette un peu, et grasses au palais. Je peux, depuis ce temps, manger les pommes de terre bouillies, natures, sans assaisonnement, c'est même comme ça, au fond, que je les préfère. Je vois à travers la fenêtre les maçons sur un échafaudage qui crépissent la maison qui n'est pas encore terminée, elle ne le sera en fait, jamais... J'entends et je vois cette machine étonnante qu'ils portent en bandoulière et qui propulse dans un bruit de crécelle le crépi sur les murs, en éclaboussant les carreaux. J'ai un peu peur, mon grand-père me rassure, il me montre... Ca s'appelle, dieu sait pourquoi, une tyrolienne... Nous sommes loin d'être riches, mais nous avons une "bonne", Jeannine... Vient-elle d'un institut, d'un triste orphelinat ? C'est un peu la bonne de la " Folle complainte"... Mais le grand père n'a pas de barbe... comme ses camarades cheminots, il a une épaisse moustache grise qu'il lisse régulièrement de sa grosse main tavelée. Il sent le tabac, le Scaferlatti qu'il roule entre ses doigts, et lorsqu'il revient du jardin, l'engrais qu'il a versé. J'aime son odeur, celle de sa cabane où je me sens si bien, ses boucles aplaties lorsqu'il soulève sa casquette pour s'essuyer le front de son grand mouchoir blanc à carreaux violets. Quand il sort son couteau de sa poche, il le tape sur la table avant de l'ouvrir pour en faire tomber, les miettes, les peluches, les scories qui l'encombrent ; c'est à cause de lui plus que de mon père que j'aime tant les couteaux de poche, Laguiole, Opinel, Leatherman, suisses ou encore Nontron au manche de buis pyrogravé... Vous voulez me faire plaisir ? Offrez moi un couteau ! Je vous donnerai, c'est normal, une pièce en échange... Il a des habitudes, comme ça, qui me rassurent. Tout ce qu'il fait quand nous sommes ensemble me paraît être motivé, même et surtout dans ses gestes les plus simples, par l'amour qu'il me porte... Moi je ne dis rien, je suis "tout beunaise", je regarde ses grands yeux gris qui tombent un peu mais qui aussi pétillent. Jean-Baptiste fut ma "crèche" à moi, ma " maternelle" aussi... Dieux ! que j'ai aimé cet homme...
2 commentaires:
Du beau, rien que du beau!
Merci
Oui, mais quel brave homme !
et c'est un peu pour vous qui ne l'avez pas connu.
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