J'ai connu Lydie en arrivant ici il y a dix ans. C'est un soir de "monstres", des encombrants, sur les trottoirs. On cherchait des trucs de récup (y en avait à l'époque), elle aussi. On a causé comme ça devant un vieux fauteuil qui était bien trop lourd pour elle. Elle était avec une copine, enfin, plutôt une voisine car il était évident qu'elles se haïssaient cordialement, depuis dix, vingt ans, qui sait... Même plus de la haine, mieux, une habitude...
Elle s'est présentée, Lydie. Voyante qu'elle était, et même que les flics faisaient appel à elle et à son pendule pour retrouver les disparus ! Et qu'elle sent des trucs, me concernant... Ben voyons ! Je lui dis que j'y crois pas, que je trouve ça con, mais que c'est pas pour ça que je lui causerai plus ! Quelques jours après je passe dans la rue, elle m'appelle de sa fenêtre. Elle veut me causer, il faut que je monte. J'y vais, et voilà ! Elle doit toucher un gros héritage, mais voui ! En attendant, elle attend sa pension, si je pouvais lui prêter cent francs, ce serait vachement sympa, même qu'elle me les rendrait avant la fin de la semaine, on était un lundi et que tiens, elle le sent bien, je devrais faire un petit loto avant le prochain tirage... Moi, couillon je lui sors un bifton. Le lendemain, on me met au parfum. C'est sa stratégie depuis des lustres à Lydie ! Elle emprunte d'abord une petite somme qu'elle rend rubis sur l'ongle... C'est quand elles deviennent plus importantes, qu'elle se fait un peu prier. A la fin de la semaine je récupère ma mise, et le billet, je le reconnais, il était déchiré en bas à droite... Y aura pas de remise en jeu, pas de jack-pot. C'était y a dix ans.
La semaine dernière je la vois rôder dans ma rue avec sa canne... Je sens un truc, c'est pas son circuit habituel... Elle m'interpelle.
- Dis donc, tu le connais le monsieur avec un bonnet qui promène ses petit chiens ?
- Ben oui, Lydie, je le connais (tu parles, c'est un voisin)
- Tu pourrais pas me dire où il habite, car il est venu chez moi et il a oublié quelque chose.
- Désolé, Lydie, c'est très compliqué pour aller chez lui, avec ta canne, l'escalier est mauvais, tu pourras pas grimper.
- Alors tu pourras lui dire que je le cherche ?
- Ok Promis !
Deux jours après, Lydie zone encore dans la rue, elle recherche cette fois-ci une jeune femme avec laquelle elle a rendez-vous à 15 heures... Là je lui déconseille d'entrer, à Lydie, avec tous ces chiens qui batifolent et qui pourraient la renverser...
Bon, j'ai compris, y a du racket dans l'air, Lydie la voyante est à l'oeuvre, faut que je prévienne le voisin et la voisine (j'ai pigé laquelle c'est), ils roulent pas sur l'or, ils donneront ou pas, ils feront ce qu'il veulent mais ce sera en connaissance de cause.
Je réussi à joindre la voisine... cinq minutes trop tard, elle à déjà raqué... Le voisin, c'est la veille qu'elle l'a eu. A la voisine, elle a fait le coup du neveu décédé, (elle me l'avait fait, je m'en souviens maintenant il y a quelques années, le coup du neveu, lors d'une nouvelle tentative, jamais vu un neveu aussi mort !), au voisin, c'est une brouille avec son fils qui d'ailleurs n'est pas son fils mais qu'elle a recueilli il y a trente ans, et que son fils il lui a dit qu'elle pouvait crever. Vingt euros pour l'un dix euros pour l'autre. Elle a réussi son coup, la morue !
Je me suis renseigné. Elle est pas dans le besoin du tout, pas plus aujourd'hui qu'hier... En fait, je crois que ça occupe sa retraite cette affaire, ça lui entretient le mental, de filouter son monde...
Je la revois tous les jours et j'ai l'impression dans son boujour, qu'elle a compris que je faisais de l'obstruction mais qu'au bout du compte elle m'a baisé autant que les deux autres.