29 novembre, 2005

Petit retour en arrière, l'été dernier, dans Télérama.


Je viens de retrouver un courrier que j'ai adressé à Télérama, l'été dernier, époque à laquelle je le lisais encore, j'ai cessé depuis.


A l'attention de la rubrique Ça va mieux en le disant

Télérama propose cette semaine ( semaine du 15 juillet 2005) un dialogue entre Jean-Louis Murat et Christine Angot ; drôle de dialogue où à chaque instant, chacun rapporte tout à soi et se goberge du plus banal compliment. Cet exercice mondain, (la chose est curieuse si l’on considère ces deux personnalités qui se veulent hors du circuit des mondanités), ce prétendu échange, ressemble à un match de tennis où l’on remplacerait la balle par une brosse à reluire.

Mais ce n’est pas le plus grave ou simplement le plus bête.

Madame Angot, si l’on en croit Murat, aurait, seule, le courage de "nommer l’innommable..." Mais non, d’autres (si tant est que ce soit obligatoirement intéressant) l’ont fait avant elle, d’autres le font en même temps, d’autres encore le feront après. "Pour moi, sans vouloir être vulgaire, Christine Angot, c’est le dernier écrivain qui a des couilles".La prétérition n’excuse jamais rien, Monsieur Murat est donc bien vulgaire et sans imagination et ça ne choque pas Madame Angot. La même, qui n’est pas à une perle près, s’élève contre une "...idée reçue qui prétend que les écrivains sont des vampires" . Mais cette idée de cette "idée reçue" est la sienne, uniquement la sienne... Où a-t-elle donc dé-(an)-goté ça ?

Autre grand moment du double monologue, exsudation sublime de l’angotique cervelle : l’immarcescible truisme de la solitude de l’artiste "...dans laquelle vous vous trouvez et qui vous fait passer pour quelqu’ un d’égoïste, de cruel... alors que c’est exactement le contraire, ce sont les autres qui vous abandonnent". A classer entre le "c’est celui-là qui dit qui y est" et le Dictionnaire des idées reçues du toujours regretté Flaubert ou l‘Exégèse des lieux communs du non moins regretté Bloy .

"Moi, je n’ai pas désiré être seule, mais à chaque fois que je demande à quelqu’un de me rejoindre, il est effarouché. Il ne supporte pas d’être dans l’histoire. Il a peur des conséquences." dit-elle encore, elle qui n’a peur de rien, pas même du ridicule. J’ose émettre quelques doutes sur la dangerosité de Madame Angot qui ignore simplement que la nature a horreur du vide...

Monsieur Murat, pour ne pas être en reste, se présente comme un grand "prédateur"(!). Il devrait emprunter à son amie Angot son dictionnaire étymologique, si elle en possède un. En effet, prédateur n’a rien à voir avec un très hypothétique verbe "prédater" qui n’existe pas. Monsieur Murat est surtout un barbare adepte du barbarisme... Prédateur vient de prædator, mot latin parmi les plus simples qui vient lui même de præda : la proie. Qu’il ne cherche pas, pour sa défense, à se réfugier derrière un pseudo-concept poétique (un poil de néologisme) ou psychanalytique (un soupçon de Lacan), cela ne ferait qu’aggraver son cas .

Merci, Télérama, pour ce réjouissant moment de cuistrerie estivale et d’illettrisme artistique... Comment peut-on être aussi vigoureusement sots ? Murat et Angot * sont-ils, aux yeux de votre rédaction, à ce point détestables pour les laisser ainsi patauger dans le grotesque et publier froidement leurs saillies affligeantes ? Car, vous êtes bien placés pour le savoir : "scripta manent"... J’ai peine à le croire mais, aurait-on décidé en douce de leur nuire ?

* Je n’ai rien contre ces deux personnes, n’ayant jamais ouvert le moindre livre de l’une, ni réussi à décrypter la moindre chanson de l’autre.

Télérama, fort courtoisement, m'a accusé réception de cette lettre, mais n'en a rien publié , pourquoi, diantre, bigre, fichtre ?

A bientôt



1 commentaire:

sborja1 a dit…

Voilà fort longtemps que j'ai abandonné la lecture de Télérama, journal réservé aux intellos qui savent tout sur tout et le reste, qui est hypocrite et surfe sur la moindre vague de "célébro-intello-populisme" . (Je pratique parfois aussi le néologisme)
J'ai bien ri en lisant votre lettre; que Télérama n'ai pas répondu ne m'étonne pas.
Je découvre votre blog et je suis ravie: continuez à "mal penser", ça fait du bien.

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