Août 1969. Sitôt passé la frontière
gréco-turque, à Keşan, ma 2cv antédiluvienne pète un cardan. Mes
camarades de voyage doivent prendre le surlendemain à Istanbul un bateau
pour Haïfa. Je reste donc ici... Je rencontre, quelques heures après
mon arrivée, un lieutenant de l'armée turque qui parle un français
parfait. Il s'appelle Müfit, me loge, s'occupe de tout. Je suis pris en
charge par tout le village, gavé de kebab sous toutes ses formes, de
dondurmas au citron, de karpus... Je reste là cinq jours. Un matin il
m'invite à aller chercher avec lui un croisillon de cardan dans les
ateliers de la caserne (voir photo ci-dessus, c'est là). Une fois dans
l'entrepôt nous cherchons dans d'immenses rayonnages (je n'ai de ma vie
jamais vu autant de croisillons de cardan réunis en un lieu) un
croisillon qui ressemblerait à un croisillon de cardan de 2cv...
Impossible au vu du nombre... d'autant plus que d'un seul coup, il entend la police
militaire qui arrive. Keşan est un poste frontière parmi les plus
importants. Nous sautons sur sa MZ de service et fuyons à travers le
camp puis le champ de tir, avant de retourner au village, sans nous
faire rattraper... Un truc à finir en taule tous les deux, lui pour
trahison, et moi pour espionnage, à l'époque l'armée turque n'a aucun sens de l 'humour.
Finalement, le forgeron du
village a façonné, usiné un croisillon que son voisin le mécano a, sitôt fait,
installé sur la voiture... gratuit tout ça, bien sûr... Je suis parti
pour Istanbul. Là m'attend un comité de réception et mon copain
Mehmet dont je vous ai parlé récemment...
2 commentaires:
Putain, Müfit avait une MZ ! C'était de la moto, ça ! Enfin en France c'était une moto que les motards méprisaient parce qu'elle se traînait un peu (elle fumait fort parfois!)et surtout parce qu'elle valait assez peu cher. Un mec en MZ, c'était pas un motard ! Mais elle avait une belle forme de grosse cylindrée, j'avais repeint la mienne en beige clair et j'avais bricolé un pare-bloc-cylindre chromé, ça faisait très 1900 !
Ton histoire, réciproque, tu vois Müfit à Avennes-sur-Helpe, en rade avec son cardan ? Serait-il aidé et bichonné comme tu l'as été ? Ou faudrait-il qu'il choisisse le lieu de sa panne, Oradour sur Glane, par exemple !
Et ces voitures, les deux chevaux, les quatre ailes, cousines germaines, avec de si beaux noms communs, qu'on pouvait réparer avec des bouts de ferraille et à coup de marteau ! Où sont passées nos amours anciennes !
Que sont-elles devenues !
La situation en miroir, Müfit en France, c'est exactement ce que j'imaginais en terminant ce billet !
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