Johnny Hallyday et le pétomane

En ces temps de son bicentenaire, Johnny Hallyday est sur toutes les bouches, car c'est incroyable, mais tout le monde l'aime, Johnny. A droite, à gauche, au centre, en haut, en bas, dessus, dessous, devant, derrière, on ne peut pas ne pas l'aimer. D'ailleurs c'est interdit de ne pas l'aimer, pas le droit ! Attention, qu'on soit clair, il ne s'agit même pas de s'essayer à le haïr, de tenter la détestation ! non ! Johnny, c'est un postulat à la débilité affective commune, on doit l'aimer !

Bon, vous l'aurez compris, moi, je l'aime pas Johnny ! Oh, pas le bonhomme, l'être humain, non, là y a rien à redire, parce que tout simplement y a rien. En revanche le chanteur, là y à dire, y a même à redire ! Mais avant je vais vous expliquer un truc. Ses thuriféraires de droite ou de gauche égaux en nombre et en sottise on trouvé un truc rhétorique pour défendre l'indéfendable. Il s'agit d'aller tresser des lauriers sur un terrain qui n'a rien à voir avec le sujet qui nous intéresse mais dans le but masqué de mieux le glorifier. Je vais prendre un exemple. Le Pen, tout le monde, hors son électorat, s'accorde à dire que ses projets politiques sont épouvantables, mais il y a un tas de gens qui vont néanmoins, pour vous dire d'une manière détournée qu'au fond ils l'aiment bien, vous parler de son talent d'orateur, sa posture de tribun ! Mon cul ! Le Pen est un orateur pitoyable, un plouc qui trempe son groin dans le pot de subjonctif pour épater le prolo et attirer le bourgeois. Tenez, notre Président, dont la compétence est de plus en plus mise en cause, la popularité en berne, se voit encore parfois qualifié d' "Animal politique" pas des admirateurs qui veulent se rassurer. Le qualificateur en s'arrogeant le droit de décerner un bonus à la personnalité de son choix fût-elle des plus insignifiantes ou des plus contestées, se donne ce faisant l'impression d'échapper à sa propre indigence, à son insigne médiocrité... Pire encore, lorsqu'ils vous disent en somme, Untel est génial, puisque nous, génies, vous affirmons qu'il l'est...

Pour Johnny c'est pareil... Johnny serait une "Bête de Scène". Non seulement ce n'est pas la qualité essentielle qu'on demande à un prétendu interprète... mais surtout c'est entièrement faux. Johnny a un producteur excellent, qui a tout compris et met à sa disposition des techniciens de premier ordre, une scénographie pléthorique et moderne qui ferait autant d'effets si on l'appliquait à un grand singe ou à Flipper le Dauphin. Maintenant, je vais être un peu cruel, si vous voulez le remplacer par Mick Jagger ou Bruce Springsteen, vous verrez que ça marche encore mieux...

Alors en attendant je vais vous rappeler ce que c'est qu'une vraie bête de scène... C'est Piaf, dans sa petite robe, avec un piano et un accordéon et pour lumière tout juste une poursuite, voire une simple douche... Je pourrais vous en citer d'autres, mais vous les connaissez tous...Tenez, même Montand, dont on ne peut pas dire que c'était une flèche, (il l'a prouvé...) et bien lui aussi c'était une bête de scène... une vraie, à peu de frais...

Alors faites pas chier avec Johnny... Ne venez pas me dire que je suis un sale intello méprisant, car ce sont justement des intellos, des vrais, patentés, labélisés qui trouvent actuellement du dernier chic de venir raconter, voire d'écrire, le plus sérieusement du monde qu'ils l'admirent, le chérissent, s'octroyant ainsi par autoproclamation le don de transformer comme par enchantement, la nullité en génie, les vessies en lanternes et tels le roi Midas, tout ce qu'ils touchent en or médiatique. Méfiez-vous, admirateurs serviles, que le vent alentour ne finisse par clamer que vos oreilles sont d'ânes...

Heureusement que le pétomane est mort, car il aurait bien du mal, Johnny, maintenant que Bigard existe, à lui disputer le coeur de ses admirateurs...