Ce qui suit est pour vous dire pourquoi j'aime les funambules, les trapézistes et les équilibristes et les femmes courageuses, c'est pareil.
Je me rappelle qu'ils avaient dressé leurs mâts, tendu leur fil, accroché leur trapèze et le tout sans filet à une hauteur pour moi impressionnante, au milieu du parking de la Place d'Armes ce jour-là interdit aux autos. Et le soir, c'était l'été, alertés par la camionnette publicitaire qui parcourait la ville et les alentours en alternant de ses haut-parleurs saturés, airs à la mode (cha-cha-cha) et annonce du spectacle, nous sommes venus les voir. Il y avait une jeune fille très brune aux cheveux courts à la Zizi Jeanmaire, en collant et en tutu rouge sang et qui, le balancier en main, grimpa par un long fil en pente jusqu'au fil horizontal. Après quelques grâces en avant, en arrière qu'elle prenait soin d'agrémenter d'habiles hésitations parfaitement maîtrisées et donc très anxiogènes, elle passa du fil au trapèze et une fois quelques figures classiques effectuées, se mit à se balancer, se retourner, vite, vite, basculer, tête en bas, tête en haut, faire des trucs à faire trembler son monde, tandis qu'au pied du mât qu'elle agitait, un homme, son père sans doute, tout de noir vêtu et sous un grand chapeau, un mégaphone à la bouche la suppliait, roulant les r d'une sorte d'accent slave, ostensiblement rongé par l'angoisse : "Arrêtez, Sonia ! arrêtez ! c'est trop, ça suffit ! nous avons vu ! arrêtez Sonia !". Le public était prêt à se joindre à sa supplique, implorer Sonia d'arrêter, de redescendre, j'avais peur, j'étais fasciné, mais Sonia en rajoutait, agitait le trapèze, faisait mine de glisser et enfin, comme si elle revenait à la raison après une crise, une transe imprévue, puis glissant le long d'un des deux mâts regagna le sol, un large sourire aux lèvres. Le succès était assuré ! le public qui avait frémi au spectacle autant qu'aux cris angoissés du papa, applaudit, cria Bravo et sortit ses sous sans barguigner quand le chapeau passa. La nuit suivante, les jours aussi, je rêvais de Sonia, de son courage extrême, de la peur de son père, en bas au pied du mât et de la mienne autant. Je me répétais son prénom exotique, Sonia, Sonia, j'avais six ans, sept ans peut-être et je frissonnais encore longuement en évoquant son courage (une fille, en plus, pensez-vous!), persuadé d'avoir assisté à une chose rare, un événement exceptionnel dont je me souviendrais toujours (j'avais raison) ignorant que lendemain, le monsieur au pied du mât allait encore, ici ou ailleurs, sous son grand feutre noir, désespéré, lui hurler comme hier dans son mégaphone : "Arrêtez, Sonia, arrêtez !"...
Je me rappelle qu'ils avaient dressé leurs mâts, tendu leur fil, accroché leur trapèze et le tout sans filet à une hauteur pour moi impressionnante, au milieu du parking de la Place d'Armes ce jour-là interdit aux autos. Et le soir, c'était l'été, alertés par la camionnette publicitaire qui parcourait la ville et les alentours en alternant de ses haut-parleurs saturés, airs à la mode (cha-cha-cha) et annonce du spectacle, nous sommes venus les voir. Il y avait une jeune fille très brune aux cheveux courts à la Zizi Jeanmaire, en collant et en tutu rouge sang et qui, le balancier en main, grimpa par un long fil en pente jusqu'au fil horizontal. Après quelques grâces en avant, en arrière qu'elle prenait soin d'agrémenter d'habiles hésitations parfaitement maîtrisées et donc très anxiogènes, elle passa du fil au trapèze et une fois quelques figures classiques effectuées, se mit à se balancer, se retourner, vite, vite, basculer, tête en bas, tête en haut, faire des trucs à faire trembler son monde, tandis qu'au pied du mât qu'elle agitait, un homme, son père sans doute, tout de noir vêtu et sous un grand chapeau, un mégaphone à la bouche la suppliait, roulant les r d'une sorte d'accent slave, ostensiblement rongé par l'angoisse : "Arrêtez, Sonia ! arrêtez ! c'est trop, ça suffit ! nous avons vu ! arrêtez Sonia !". Le public était prêt à se joindre à sa supplique, implorer Sonia d'arrêter, de redescendre, j'avais peur, j'étais fasciné, mais Sonia en rajoutait, agitait le trapèze, faisait mine de glisser et enfin, comme si elle revenait à la raison après une crise, une transe imprévue, puis glissant le long d'un des deux mâts regagna le sol, un large sourire aux lèvres. Le succès était assuré ! le public qui avait frémi au spectacle autant qu'aux cris angoissés du papa, applaudit, cria Bravo et sortit ses sous sans barguigner quand le chapeau passa. La nuit suivante, les jours aussi, je rêvais de Sonia, de son courage extrême, de la peur de son père, en bas au pied du mât et de la mienne autant. Je me répétais son prénom exotique, Sonia, Sonia, j'avais six ans, sept ans peut-être et je frissonnais encore longuement en évoquant son courage (une fille, en plus, pensez-vous!), persuadé d'avoir assisté à une chose rare, un événement exceptionnel dont je me souviendrais toujours (j'avais raison) ignorant que lendemain, le monsieur au pied du mât allait encore, ici ou ailleurs, sous son grand feutre noir, désespéré, lui hurler comme hier dans son mégaphone : "Arrêtez, Sonia, arrêtez !"...
1 commentaire:
Bin wi, le cirque! Et cette belle folie! Ah, il y a aussi l'homme le plus fort du monde qui soulève un tonneau par une courroie, entre les dents et dont la femme, (peu) vêtue d'imprimé léopard vient se jucher à cheval sur le tonneau! il déchoire des annuiaire et soulève des haltères de carton-pâte en poussant des "han"! sonores! Ce n'est pas rien! Enfin on lui casse à grands coups de masse un énorme caillou sur ,le ventre! Frustres, concon, mais superbe: Zampano!
Hors landau!
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