07 mars, 2014

Tochin, le lapin dans la Lune


(d'après une légende Aztec)
Un conte musical de Leoncio Larabon
sur un livret de Paola Jauffred Gorostiza
(Traduit de l’espagnol par l’auteur et Paul Wehage et révision par J.T Boisseau )

Il y a très longtemps (quand la Terre venait d'être créée), il n'y avait ni soleil, ni lune, ni étoiles. Tout était dans le noir, un noir très profond, comme le noir au fond d'un puits.

Dans ce noir vivait Tochin, l'un des premiers lapins qui eût jamais existé. Il n'était pas très paresseux, mais comme la Terre était toujours dans le noir, il avait l'habitude de dormir dans sa petite tanière, un trou qu'il avait creusé lui-même près de la grande cité de Teotihuacan.

Mais il se passa un jour quelque chose qui le réveilla de ses rêves. C'était un bruit comme il n'en avait jamais entendu auparavant, quelque chose de différent du crissement des criquets ou du bruit des ailes des chouettes : c'était un bruit de pas très lourds.
Tochin leva ses grandes oreilles en ouvrant tout grand ses yeux. Pris par une irrésistible curiosité, il quitta sa tanière et en bondissant suivit le bruit, se demandant ce que cela pouvait bien être.

La réponse se trouvait dans un endroit très proche, à l'entrée de la ville de Teotihuacan dans le noir absolu.

Le lapin vit alors une file de géants qui marchaient. C'était les dieux ! Tochin le sut tout de suite : ils étaient tous immenses et majestueux. Leurs visages brillaient d’une faible lumière bleuâtre. Quetzalcoatl , le plus noble, ouvrait la procession. Il avait une expression aimable et portait les plumes les plus précieuses.
Mais pourquoi les dieux étaient-ils donc là ? Le lapin se posait la question et décida de les suivre. Quetzalcoatl et les autres continuaient d'avancer juqu'au centre de la ville de Teotihuacan. Puis, ils allumèrent un grand feu de bois et se placèrent autour.
Tochin les approchait avec précaution par petits sauts. Cette lumière, ce feu de camp, était la première lumière qu'il avait jamais vue. Ces flammes, avec leurs couleurs rouge, orange et jaune, dansaient juste devant ses yeux en pointant vers le ciel, comme si elles voulaient y monter, comme si elles voulaient s'envoler. Soudainement, Tochin senti dans son cœur qu’il voulait comme les flammes, lui aussi, voler, aller très haut, au dessus et regarder la Terre du ciel.
Mais la voix profonde de Quetzalcoatl le fit sortir de ses pensées.
" Nous nous trouvons ici, mes frères et sœurs, dit-il , parce que le monde a besoin de la lumière. Ni les hommes, ni les bêtes ni les plantes ne peuvent exister sans les objets célestes brillants au dessus d'eux, sans le Soleil pour verser la joie dans leurs matins et leurs jours et sans la Lune pour bercer leur sommeil. Nous sommes réunis ici parce que deux parmi nous vont sauter dans le feu pour monter aux cieux et devenir le Soleil et la Lune. Alors, je vous pose la question : qui parmi nous est d'accord pour devenir le Soleil et la Lune ?
Quetzalcoatl s' arrêta de parler, mais il n'y avait aucune réponse Les dieux se regardaient en gardant le silence.
Mais Tochin, bien au contraire, comme si ces paroles lui étaient destinées, sautilla de plus en plus près du feu.
Quetzalcoatl ! dit-il debout sur ses pattes arrières, je le ferai, mon Seigneur, je le ferai bien volontiers ! Quetzalcoatl regarda le petit lapin, qui semblait très fier et partant, prêt à sauter jusqu'au ciel.
“Tu seras brûlé dans le feu, cher Tochin,” lui répondit Quetzalcoatl avec un sourire bienveillant, seuls les dieux peuvent sauter dans le feu sans se brûler. Et, malgré ton grand courage évident, tu es trop petit pour devenir un objet céleste. Non, ce travail est fait seulement pour les dieux.
Après ces explications, il regarda à nouveau les dieux autour du feu en leur demandant encore “N' y a-t-il vraiment personne pour faire ce que ce lapin ferait sans hésitation ?”
Finalement, une voix se fit entendre, celle de Tecciztecatl le dieu du pays des Escargots et des Bigorneaux.
"Je le ferai dit-il, je prendrai la responsabilité d’apporter la lumière sur le monde ”
Tochin sautilla près de lui avec un regard très admiratif en demandant "Puis-je venir avec vous ? Pouvez-vous me laisser vous accompagner ? Mais le dieu lui sourit sans rien dire..
Très bien ! a dit Quetzalcoatl . Mais nous avons toujours besoin d'un deuxième candidat. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui soit prêt lui aussi à le faire ?
"J'irai, dit Nanahuatzin, je monterai dans le ciel pour illuminer la Terre. Il n’eut pas encore finit sa phrase que Tochim était à ses côtés le suppliant: “Laissez-moi venir avec vous Nanahuatzin , laissez-moi venir au ciel avec vous.” Mais il n' avait toujours pas de réponse .
Suivant les instructions de Quetzalcoatl, les dieux formèrent deux rangées de chaque côté du feu.
Tecciztecatl et Nanahuatzin prirent leur élan pour courir et sauter dans les flammes,
Tochin s'était assis à côté de Quetzalcoatl en soupirant : il devrait se contenter d'être un lapin et jamais il ne verrait la Terre du ciel.

En serrant mâchoire et poings, regardant dans les flammes, le dieu du pays des Escargots et les Bigorneaux commença de courir vers le feu de camp. Tous les autres dieux retenaient leur souffle, en le regardant s'approcher du feu. Il en était très près. Il allait sauter à tout moment mais quand il sentit la chaleur des flammes, il s' arrêta tout net. Les dieux alors crièrent leur déception.

“ Laissez-moi essayer ” a dit Nanahuatzin. Il courut sans hésitation et à l'étonnement des autres sauta dans les flammes dès sa première tentative. Tecciztecatl, qui ne voulait pas en rester là, sauta également dans le feu. Les flammes se levèrent et projetèrent ainsi les deux dieux dans le ciel. Ils allèrent de plus en plus haut jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus visibles.
Mais quand bien même les deux dieux avaient déjà disparu dans la sombre noirceur du ciel, la Terre n'avait pas encore d'autre lumière que le feu de camp de Quetzalcoatl.
Tochin mourrait d'envie de voir comment le Soleil et La Lune allaient se présenter. Il courait à droite et à gauche, en regardant l'horizon. Il sautillait à l'ouest et au sud, en reniflant avec son petit nez, mais il ne trouva que des ombres. Puis, il bondit au nord où il ne trouva rien de plus.
Mais voilà ! Quand il sauta jusqu'à l'est, le ciel commença à se remplir de lumière. Graduellement, deux sphères luminescentes montrèrent enfin le bout de leur nez à l'horizon et Teotihuacan se couvrit de lumière. Pour la première fois, les formes des grandes pyramides pouvaient être distinguées et autour, la verdeur des arbres et des plantes. Les oiseaux, qu'on n'avait jamais entendus jusqu'à ce moment, commencèrent soudain de chanter d' une manière tellement mélodieuse que tout le monde était réjoui.

Les deux sphères continuèrent de monter lentement dans le ciel et leur lumière devint de plus en plus intense. Même si elles ne pouvaient pas encore monter jusqu'au zénith, leur brillance était telle que Tochin dut se couvrir les yeux de ses petites pattes.

Mais la joie des dieux se changea en souci.
" Ceci n'est pas bon dit Quetzalcoatl, si la brillance de la lune est la même de celle du soleil, alors personne ne pourra se reposer pendant la nuit. Dépêchez-vous ! cria le dieu, donnez-moi quelque chose pour jeter sur la lune et en diminuer sa lumière !

Tochin a levé ses oreilles très haut. Il a eu une idée.
"Jetez-moi là-haut ! cria-t-il en sautillant autour de Quetzalcoatl- Jetez-moi là-haut, s'il vous plaît ! continua-t-il de crier.
"En es-tu certain? demanda Quetzalcoatl, tu seras obligé de vivre pour toujours dans le ciel.
"J'en suis certain, mon Seigneur, aussi certain que je suis un lapin.

Quetzalcoatl sourit. Il caressa la tête de Tochin doucement . Puis, prenant le lapin par les oreilles, il le jeta au ciel si fort que Tochin vola de plus en plus haut. Il était si haut qu'il vit la Terre devenir de plus en plus petite. A sa gauche et à sa droite, l'espace était constellé. La lumière de la lune commença de diminuer pour devenir la lumière argentée que nous lui connaissons aujourd'hui.

Tochin était si content qu'il commença à sauter de cratère en cratère. Très loin, dans le ciel, la Terre si bleue et ronde était tellement belle !
Il n'est pas de plus beau spectacle se dit-il tandis qu'il se glissait dans un cratère qui était juste à la bonne taille pour devenir sa nouvelle tanière. Au même moment, à Teotihuacan, les dieux applaudirent car enfin au dessus de la Terre il y avait un soleil doré et une lune blanche dans laquelle ont pouvait distinguer la visage de Tochin, le lapin dans la lune.

© version française Paul Wehage 2013

2 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Quand Tochin, ébloui, met ses "petites pattes devant les yeux"...
Alors là !

P. P. Lemoqeur a dit…

ben oui, couillon, il allait pas se protéger avec sa queue !

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