Madeleine Milhaud est morte le 17 janvier dernier, elle avait cent-cinq ans. Elle était elle-même née Milhaud, cousine germaine de Darius. Elle fut, certes, la femme de Darius, compositeur, et la mère de Daniel, peintre-sculpteur que l'on sait, disciple chéri de Kokoschka, mais Madeleine Milhaud était surtout comédienne, écrivain et metteur en scène. On peut la voir entre autres, en compagnie de son mari, dans un film étonnant de Hans Richter cinéaste Dada, intitulé "Dreams that money can buy". Égérie de son mari, certes, mais aussi personnalité reconnue du monde artistique pendant tout une part du vingtième siècle. Ses amis furent, d'abord , Satie avec qui elle fit du théâtre et qu'elle assista dans ses derniers instants, puis Cocteau, Claudel, Strawinsky, Maritain, Léger, Picasso, Jammes, etc... Des amis de son mari ! diront les imbéciles... Ces artistes de premier plan étaient les siens aussi, à titre personnel... Elle vécut avec Milhaud bien sûr les "années folles" mais aussi l'exil aux USA, le retour à Paris, la récupération chez la concierge de l'immeuble du boulevard de Clichy, d'une partie de leurs biens que cette dernière avait "mis à l'abri chez elle..." Elle ne manifestait aucune haine à l'égard de leurs spoliateurs.
J'ai rencontré Madeleine Milhaud l'année de ses cent ans. C'est notre amie Elvire, petite-fille de Tailleferre, qui, la connaissant depuis toujours, nous avait conduits chez elle, Paul et moi, prendre le thé. Nous fûmes reçus par une toute petite femme extrêmement bien mise, d'une totale élégance dans son tailleur écossais rouge et vert, coiffée d'un chignon très serré de petit rat centenaire qui mettait en relief un regard des plus vifs, scrutateur et perçant d'intelligence. Je n'affirmerai pas qu'elle portait des talons hauts ; Paul, en raison du chignon, se souvient d'elle en ballerines... mais je puis vous jurer qu'elle n'était pas en pantoufles ! Bon pied, bon oeil ! Bien qu'elle eût encore assez bonne oreille, prétextant l'accent de Paul, elle décida de lui parler en américain. Impeccable donc ! Elle refit un peu avec Elivre le tour du passé, c'est normal, mais comme elle vivait aussi allègrement le présent, elle profita de cette visite pour lui montrer une lettre de démission qu'elle s'apprêtait à poster à l' Association Germaine Tailleferre dont elle considérait qu'elle avait fini par ne plus servir plus la promotion de l'oeuvre de son amie... L'écriture était ferme, peut-être un peu rageuse. Madeleine Milhaud veillait encore sur l'oeuvre de son mari et ce avec compétence et savait ce qu'"ayant-droit" veut dire. Cent ans ! et d'une absolue séduction...
Avec elle, c'est le Groupe des Six qui, définitivement, s'éteint...
On peut lire sur un site appelé Abeilleinfo, officine patentée de marchands de doubles croches, ce petit paragraphe en fin de l'article qui annonce son décès.
"À l'occasion de son centenaire, interrogée par la journaliste Mildred Clary, Madeleine Milhaud avait raconté son parcours exceptionnel (Mon XXe siècle, Bleu Nuit éditeur), à Paris comme aux États-Unis où son mari, d'origine juive, se réfugia de 1940 à 1947 et enseigna de nombreuses années."
"D'origine juive" Qu'est-ce que ça veut dire ? Les Milhaud ne sont pas "d'origine juive". Milhaud se définissait lui-même comme "Musicien français de Provence et de religion israélite". Ils ne se sont pas, comme d'autres et malgré les événements, convertis, ce qui les rendrait, si tant est que ce soit intéressant, "d'origine"... C'est d'autant plus idiot que la judéité de Milhaud, volontairement ou non, ne transparaît pas dans son oeuvre, plus marquée par Rio que par Jérusalem, plus favelas que ghetto... Ce genre d'assertion non signifiante me semble toujours teintée d'arrière-pensée, ici (en ces périodes de furie identitaire) d'un vague relent d'antisémitisme larvé, de base...
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J'ai rencontré Madeleine Milhaud l'année de ses cent ans. C'est notre amie Elvire, petite-fille de Tailleferre, qui, la connaissant depuis toujours, nous avait conduits chez elle, Paul et moi, prendre le thé. Nous fûmes reçus par une toute petite femme extrêmement bien mise, d'une totale élégance dans son tailleur écossais rouge et vert, coiffée d'un chignon très serré de petit rat centenaire qui mettait en relief un regard des plus vifs, scrutateur et perçant d'intelligence. Je n'affirmerai pas qu'elle portait des talons hauts ; Paul, en raison du chignon, se souvient d'elle en ballerines... mais je puis vous jurer qu'elle n'était pas en pantoufles ! Bon pied, bon oeil ! Bien qu'elle eût encore assez bonne oreille, prétextant l'accent de Paul, elle décida de lui parler en américain. Impeccable donc ! Elle refit un peu avec Elivre le tour du passé, c'est normal, mais comme elle vivait aussi allègrement le présent, elle profita de cette visite pour lui montrer une lettre de démission qu'elle s'apprêtait à poster à l' Association Germaine Tailleferre dont elle considérait qu'elle avait fini par ne plus servir plus la promotion de l'oeuvre de son amie... L'écriture était ferme, peut-être un peu rageuse. Madeleine Milhaud veillait encore sur l'oeuvre de son mari et ce avec compétence et savait ce qu'"ayant-droit" veut dire. Cent ans ! et d'une absolue séduction...
Avec elle, c'est le Groupe des Six qui, définitivement, s'éteint...
On peut lire sur un site appelé Abeilleinfo, officine patentée de marchands de doubles croches, ce petit paragraphe en fin de l'article qui annonce son décès.
"À l'occasion de son centenaire, interrogée par la journaliste Mildred Clary, Madeleine Milhaud avait raconté son parcours exceptionnel (Mon XXe siècle, Bleu Nuit éditeur), à Paris comme aux États-Unis où son mari, d'origine juive, se réfugia de 1940 à 1947 et enseigna de nombreuses années."
"D'origine juive" Qu'est-ce que ça veut dire ? Les Milhaud ne sont pas "d'origine juive". Milhaud se définissait lui-même comme "Musicien français de Provence et de religion israélite". Ils ne se sont pas, comme d'autres et malgré les événements, convertis, ce qui les rendrait, si tant est que ce soit intéressant, "d'origine"... C'est d'autant plus idiot que la judéité de Milhaud, volontairement ou non, ne transparaît pas dans son oeuvre, plus marquée par Rio que par Jérusalem, plus favelas que ghetto... Ce genre d'assertion non signifiante me semble toujours teintée d'arrière-pensée, ici (en ces périodes de furie identitaire) d'un vague relent d'antisémitisme larvé, de base...
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2 commentaires:
Je viens avec plaisir de regarder à la télévision une émision sur Darius Milhaud , et j'ai recherché ce que l'on pouvait trouver sur sa femme Madeleine , elle est décédée très âgée..
Tout cela grâce à internet ! ! !
Th Robert - Joué les Tours 37300
Chère Thérèse,
J'ai assisté à la projection en avant première de ce superbe film.
J'en ai parlé je 25juin dernier
http://pplemoqueur.blogspot.com/2010/06/darius-milhaud-et-sa-musique-de-la.html
Il n'y a à ma connaissance aucun ouvrage consacré à la sublime Madeleine...
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