08 juillet, 2007

Treillis, rangers et coming out

C'est curieusement pendant mon service militaire que je fis,au début des années soixante-dix,mon coming-out...Contrairement à ce que j'avais imaginé, l'armée française et l'une de ses casernes en particulier était d'une tolérance étonnante et bien moins homophobe que nombre d'autres structures que j'avais connues, la fac en particulier.Je fus, après quelques péripéties et un énorme chantage, affecté à l'infirmerie comme "secrétaire" du médecin-commandant.Le type était très sympathique, cultivé, et me laissait, à une époque où il était interdit d'introduire des journaux d'opinion dans une caserne, lire tranquillement le Nouvel Obs et Hara-kiri au bureau. Il convint avec moi, le jour de l'assassinat de Allende, que certaines armées dans le monde manquaient parfois de tenue, que Pinochet déshonorait sérieusement la profession... L'infirmerie était un joyeux lupanar et son isolement et sa proximité de la sortie du camp facilitait outre les pratiques et échanges internes, l'intrusion nocturne de créatures de tous les sexes... Et puis il y avait surtout le capitaine Z. qui affichait son homosexualité sans aucune vergogne. Contrairement à la chanson de l'ignoble Sardou en vogue à l'époque, ce n'était pas, mais alors pas du tout, la "folle du régiment". Il était respecté pour ses compétences, mais aussi pour son mètre quatre-vingt-cinq et ses deux cents livres qui le tenaient à l' écart de toute réflexion désobligeante... Un exemple donc de culot, ou de courage (il était de surcroît d'origine marocaine...) qui m'allait être utile à une époque où se déclarer homo n'était pas si simple que ça. Je lui plaisais visiblement et je vous avouerai qu'il me plaisait bien aussi. Mais il avait, lui, une longueur d'avance sur sur moi qui commençais timidement à sortir du placard... Il ne se passa donc rien pendant ces dix mois. Mais une semaine avant la quille, il y eut un pot de départ. Il se vengea d'une manière extrêmement fine et gentille de ma stupide et prétendue indifférence. Alors qu'il était de mise de s'appeler ou d'être appelé par son patronyme, il m'appela, le salopard, par mon prénom pendant toute la durée du pot... J'étais, grillé... outé en douceur... Le plus extraordinaire c'est que personne ne me traita de pédé, mais, en revanche, de bel hypocrite pour avoir, pensait-on, caché si soigneusement pendant tous ces mois notre idylle...

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