17 janvier, 2007

Été 1969, l'homme pose le pied sur la lune et je découvre Zeki Müren

Je ne sais pas pourquoi mais à l'instant, je me souviens.
Août 1969 - Istanbul. Il fait chaud, mais à Istanbul c'est toujours supportable, Bosphore oblige. Mehmet me fait visiter le bordel, où, bien qu'il prétende n'y venir jamais, tout le monde, tenanciers devant leurs boutiques, pensionnaires du haut des fenêtres le saluent, l'invitent : "Mehmet, Mehmet !" Mehmet fait partie de ces turcs blonds bien plus nombreux qu'on l'imagine mais suffisamment rares pour exciter les passions... Je fais semblant de croire que dans la cohue, c'est un autre qu'ils appellent. Il doit être dix heures du soir. Nous sautons dans un dolmuş et nous voici entre Taksim et Dolmabaçe dans un jardin extraordinaire, une sorte de plantation de chênes liège rabougris en pleine ville, et parmi les arbres décorés de guirlandes d'ampoules multicolores, des dizaines de petites tables bleues carrées recouvertes de toile cirée. Au fond une grande estrade et des projecteurs, des haut-parleurs très modernes, qui tranchent étonnement avec la rusticité du lieu, le plus grand cabaret en plein air d’Istanbul. C’est plein, juste quelques tables libres. Pas une seule femme. Des hommes, tous plus virils, poilus, la barbe sous la peau, en un mot, plus turcs les uns que les autres, attablés quatre par quatre. Ils attendent, enfin, nous attendons la star. Elle arrive. Un bon mètre quatre vingt, taillé comme un lutteur de Kirkpinar, mais en short et en t-shirt lamé bleu... une cape en lamé gris par dessus tout ça et maquillé comme Sophia Loren... Une opulente chevelure blonde brushée, choucroutée, façon Jane Fonda... Sur fond de violons d’un grand orchestre, Zeki Müren fait son entrée... On serait prêt à rigoler , mais Zeki Müren chante, et c’est sublime... Sublime au point qu’au bout de deux chansons (un bon quart d’heure chacune, c’est pas Oum Kalsoum, mais pas loin..) j’assiste au plus surprenant et émouvant spectacle vivant et impromptu qu’il m’ait été donné de voir : quatre bonnes centaines de mecs un verre de raki devant soi chialant comme des madeleines à l’écoute du plus baroque travelo qu'on puisse imaginer. Je demande à Mehmet de quoi parle la chanson. Oh ! c'est pas très compliqué : je l’aime, elle m’aime mais nos parents ne veulent pas qu’on se marie ... exactement ce que vit à ce moment Mehmet qui est amoureux d’une superbe grecque istanboulitaine qu’il m’a présentée en cachette... Zeki Müren, c’est du velours, de la violence, une maîtrise exemplaire du mélisme oriental le plus savoureux. ... Je demande à Mehmet si Müren est homo. Ibne ? Question idiote, inutile. Bien sûr ! tout le monde le sait et vu sa dégaine, le contraire serait étonnant, mais ils s’en foutent, ils l’aiment, ils l’adorent, c’est leur idole, car il les fait pleurer...

Écoutez : "Bir gülü sevdim", ça se trouve facilement, c'est une superbe chanson.

9 commentaires:

  1. 1969, je commençais à respirer. C'que vous êtes vieux PP ! (rirrres) M'en fout, de toute façon on ne se parle tous les deux que par la tête.

    Merci pour ce billet. Comme un voyage, un exil confortable.

    J'avais vu "Avez-vous lu Orhan Pamuk ?" posted by P. P. Lemoqeur | 10/06/2005 11:10:00 PM.

    J'ai bien cherché ce turc travesti, ici de mon Québec bleu. Pas trouvé.

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  2. Comment ça ? pas trouvé ?

    Il y a une quantité invraissemblabl e de photos (tout aussi invraissemblables d'ailleurs ) de lui. Bon, faut reconnaître que l'age venant ( et oui pour lui aussi !) il ressemble de plus en plus à Line Renaud...Mais surtout, il faut l'écouter.

    Pour ce qui est de se parler, Nina de mon coeur, ce ne sera toujours que par la tête...

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  3. Du tac au tact.

    Je fouillerai donc sur le WEB pour Zeki Müren. Puisque les disquaires d'ici me font: hein ? quoi! quess tu dit toé ? (rirress)

    Par la tête vaut mieux que parle pas.

    Vous n'avez toujours pas trouvé ma cachette, mais au moins, vous voilà sorti de "Sept à Table" Brrrrave PP.

    sourire de Louve

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  4. Faut me guider, je n'ai, vous le savez, plus l'âge des jeux de piste...

    Au fait ? y a pas de turcs au Québec ?

    Les disquaires ne doivent connaître que (le beau) Tarkan

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  5. Pistes ? Déjà fait. Je vous ai guidé PP, orienté vers Ruru à qui j'avais confié la mission de vous remettre mon courriel et ou l'adresse de la dite salace tanière.

    Cher PP myope drôle amusé amusant. En fait, c'était facile. Comme ne pas voir l'arbre dans la forêt. Quand vous irez sur louvainlaneuve machin machin, allez à contributeurs, cliquez sur nina louve. Ensuite, allez jusqu'au bas de la page: TÉOUTÉKI. Téoutéki
    -est- la cachette.

    Ne dormez pas. Il n'est que 20h20. (riires)

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  6. Oui, il y a des turc ici, des gais heureux , des travelos qui chantent.

    Et les disquaires, si on commande on a tout tout ce qu'on veut et désire. C'est l'Amérique du Nord!

    Buena note

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  7. Je suis nulle, mince. N'arrive pas à en écouter en ligne. N'ai trouvé que ces paroles.

    "Bu son buluþmamýz
    Bu son görüþmemiz
    Kim bilir bir daha karþýlaþmayýz
    Belki de bir daha görüþemeyiz
    Ayrýlmalýyýz. Ayrýlmalýyýz"

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  8. Il y a plusieurs versions...

    Celel de Zeki Müren diffère de celle de Zerrin Özer ( celle que vous citez) , mais visiblement ça parle toujours de sourire et d'amour ! On va pas chipoter !

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  9. Anonyme1:24 AM

    Inflation versus déficit : comment réactiver la machine du rêve qui a été métphorisée de façon extraordinaire par un anonyme : un chariot surmonté de rondelles avec une manivelle, les informations se transmettent d'une rondelle à l'autre juqu'à l'autre bout de la "chaîne" : le rêve est présent comme le désir... Je dois "voler" cette "machine"! (avec mes yeux), le propriétaire ne serait pas content et puis il saurait que cet objet n'a de valeur que pour moi:)
    Il me tarde de traverser et longer le bosphore : une de mes rives!
    Je vous envoie un lien d'un personnage turc qui vous plaira!
    Amitiés nocturnes.
    amel, je ne parviens pas à publier mon commentaire ?
    OUlala, je dérange...

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