14 avril, 2014

Paramnésie radiophonique


La paramnésie est, vous le savez sans doute, l'impression curieuse du "déjà vécu". C'est souvent une situation, une parole voire, une simple image qui en est le support. C'est une pathologie semble-t-il sans gravité et qui se produit généralement dans des états de fatigue passagers, c'est en tout cas ce que m'avait dit mon beau frère psychiatre remarquable quand, jeune homme, je lui avais fait part, venant pour la première fois de la vivre, de ma découverte de cette impression extrêmement bizarre et déroutante .

Il y a quelques heures j'écoute sur France inter et en faisant autre chose une émission dominicale du soir qui s'appelle "Tous pol ", entendez "tous politiques".
Et j'ai l'impression de réentendre l'émission de la semaine dernière dont j'ai même oublié l'invité. Mêmes voix, même rythme, même fausse agressivité des interviouveurs, même fausse et généreuse fraîcheur pédagogique des invités de quelques bords qu'ils soient, même spectaculaire connivence de plateau.
Il ne s'agit, bien entendu, plus d'impression fugitive mais d'une réalité des plus politiquement affligeantes.
"Au Théâtre ce soir " en quelques sortes, ne manquent que les décors virtuels de Donald Cardwell et les costumes de Roger Harth. J'ai l'impression devant la réitération des propos et de l'échange sans surprise qui les a suscités, de me trouver dans une pièce que j'ai déjà vue, une pièce de la grande époque du théâtre de l'absurde.
Non d'entendre des gens malhonnêtes, non, c'est plus le moment de jouer à ça, mais de me retrouver dans une œuvre strictement mise en scène où le sens se perd, se dissout dans la parole, sans même que les comédiens s'en inquiètent.
Beckett, Ionesco ou mieux, en plein Shaga de Duras :
"Je comprends ce que vous dites, mais ce que vous voulez dire en disant ce que vous dites, ça je ne le comprends pas."

Et si c'était ce qu'ils souhaitent ?

1 commentaire:

  1. C'est le "parler croquant" comme disait Claude Dunneton, on parle pour ne rien dire et on dit tout de même quelque chose, le sens est sous-jacent et sans grand rapport avec les mots du discours. Les gens qui ont un vocabulaire restreint et une syntaxe médiocre parlent comme ça. C'est leur seul moyen d'exprimer ce qui est plus compliqué à dire que les banalités de la vie courante.
    Dans cette émission, journalistes et invités jouent la connivence, ils comprennent très bien ce qu'ils veulent se dire en parlant ainsi.
    Juste un petit problème : ils oublient tout simplement les auditeurs !
    Le véritable sujet n'est plus celui dont ils sont censés parler, mais la manière dont ils en parlent en se renvoyant une balle imaginaire, du théâtre ou un match de tennis !

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