Quand j'étais môme, il y avait à Buxerolles un marchand de peaux de
lapin. Jean Fernandez, qu'il s'appelait. Il montait une fois la semaine
la rue des Quatre Cyprès où nous habitions et effectivement criait
toutes les cinq minutes "Peaux d'lapin peaux !". Et les braves
ménagères dont la plupart possédaient un clapier tout au fond du jardin,
sortaient sur l'huis pour lui vendre
la peau de la semaine. Jean Fernandez était étonnant car il avait un
rapport symbiotique avec sa charrette. Certes, il la poussait, mais en
retour toujours entre deux vins, c'est à elle qu'il se raccrochait,
bref un modèle de coopération domestique. A part ça il était sale,
grossier, crachait et tenait des propos graveleux. Au milieu de sa
tournée, il faisait un arrêt chez la Poleau qui malgré son grand âge
faisait encore boutique, plus par souvenir du bon temps que par souci du
gain et dont il était désormais le seul et unique client... Sa fille,
en revanche, travaillait au repos du soldat américain, au point que l'un
d'entre eux, un black hypertrophié qui roulait en Studbaker Rose avait
pris son bizness en main...
Mon frère Jean-Dominique
encore en culottes courtes, suivait Jean Fernandez dès le bas de la
rue, ramassait les peaux qu'il semait sur la route sans s'en apercevoir,
et le dépassant par des chemins détournés, l'attendait devant chez nous
pour les lui revendre... Mon frère, très jeune, avait déjà le sens des
affaires...
Moi aussi j'avais mon "peau d'lapin peaux", à Rueil, à deux pas d'Paris. Qui descendait la coline.
RépondreSupprimerEst-ce que t'avais aussi le "chevrier", le mec avec deux, trois biquettes, une petite flûte de pan (fluittttt, fluitttt) et qui vendait des fromages ?!
Peau d'lapin peau et fluittt-fluitttt allaient s'arsouiller chez la mère Jaheux qui vendait du jambon dont la première tranche au moins était verte ! ça puait dans sa boutique ! Mais qu'est-ce qu'on aimait bien la faire chier la vieille : vingt fois par jour, on ouvrait sa porte, "qui-cling" ça faisait et elle sortait de son clapier en vociférant qu'on étaient des vouaaaayous !