16 mai, 2013

Un endroit extraordinaire !

Il fallait passer une porte cochère et traverser une cour pavée. Au fond, au rez de chaussée une porte-fenêtre en bois au milieu de deux grandes fenêtres identiques et rectangulaires
La porte était ouverte et je me retrouvai une fois l’avoir poussée, dans une grande salle, éclairée de néons livides au dessus d’établis soigneusement alignés. Une douce odeur de bon français flottait là parmi les fétides  effluves de quelques douteux accords de participes et de redoublement de consonnes tout juste rectifiés ,
Sur les murs : des gabarits, des formes, des patrons, des moules à écriture. Sur les établis prêt à s’attaquer au papier le plus blanc, un tas d’outils de précisions, stylos, crayons, gommes et effaceurs liquides. Et tout autour, des machines extraordinaires, dégauchisseuses à adverbes, scies sauteuses à péroraisons, perceuses à oxymores, tours à prétéritions, emboutisseuses à apophtegmes, sertisseuses à allégories,   tyroliennes à prosopopées,  ponceuses à néologismes, raboteuses à pléonasmes, aspirateurs à barbarismes et un beau contrôleur vigilant d’ aphérèses vulgaires.
Bref, de l’outillage, du sérieux, du vrai !
Et puis autour des établis, vêtus de salopettes aux  couleurs rimbaldiennes, des arpettes qui ciselaient en silence leur chef d’ œuvre, façon meilleur ouvrier de France, tandis qu’un maître, vêtu, lui, d’une blouse sérieuse  de ratine grisâtre, bienveillant, les surveillait, les conseillait, sévère mais juste, auréolé de son savoir magistral, détenteur initié de dictionnaires multiples
En fin de journée, on montrait son travail.
Après quoi, l’on balayait l'atelier d'écriture,   par terre, toutes ces petites chutes, ces débris de phrases, ces copeaux de mots, cette sciure de pensée non conforme...
Et l’on rentrait chez soi, heureux, avec le sentiment incomparable du travail bien fait, du devoir accompli.
A l'instar de ce texte qui aurait pu y avoir  été, selon les règles, peaufiné...  

5 commentaires:

  1. Ah, là, ton texte est si beau qu'il ne faut rien y ajouter.
    Tel quel.
    Un plaisir, que j'imprime pour qu'on le lise...
    Félicitations !

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  2. Tu me le prêtes, ton aspirateur à barbarismes? Juste pour un mois ou deux. Après, je n'en aurai plus besoin. Enfin, moins.
    Et puis, copier-coller du commentaire de Daniel.

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  3. Anonyme10:51 PM

    Cher PP,
    Damned, Daniel m'a encore précédé dans le compliment!
    Biz
    Angevine

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  4. Merci à tous, mais je vous soupçonne d'une complaisance affective autant que littéraire !

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  5. bien sûr que je le prête mon aspirateur,et tous les outils cités je les prête, je suis le "kiloutou" gratis de la syntaxe française et de ses avatars pourvu qu'ils soient inventifs !

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