06 mars, 2010

Boulez et le conservatisme

Entendu ce matin sur France Inter, l'ineffable Boulez dire le plus sérieusement du monde (ce qui est étonnant chez un type qui ne manque pourtant pas d'humour), comment après la guerre, jeune musicien plein d'énergie insoumis et anti-pétainiste, il avait dans la foulée (donnant l'impression désagréable, fût-elle involontaire, qu'il y avait un rapport de succession logique) lutté contre les conservatismes artistiques et en particulier contre l'indécent, l'odieux, l'immoral néo-classicisme représenté dans son imagerie personnelle façon Épinal ou proto-maoïste, par Stravinsky... C'est fou ! se révolter à vingt ans en 1945 dans la France juste libérée contre les idées reçues, quel courage ! quand on sait que certains résistants étaient plus jeunes et déjà morts...
Voilà et de faire en sorte, ce qu'il oublie de dire, de se comporter par la suite dès qu'il eut du pouvoir comme le plus redoutable censeur stalinien des idées qu'on pût rêver tout en se maquant avec la droite la plus tartouillement moderniste, pourvu qu'elle lui offrit un jouet des plus coûteux (ce n'est d'ailleurs pas ce qu'elle fit de pire...)

Boulez était à la musique ce que Mathieu était à la peinture, un bidule représentatif d'une époque, mieux, et comme il y eut des représentants du style louis-philippard, un archétype de l'artiste pompidolien.

Mais c'est de l'histoire ancienne... L'ère Boulez est terminée. Son talent se déploie dans le génie des autres, et heureusement pour lui qu'il fut ce grand chef d'orchestre dont on se souviendra... parce que pour le reste, il ne représente plus pour les jeunes compositeurs même s'ils ne le disent pas que ce que représentait pour lui Stravinsky : le passé, puis l'inévitable passéisme qu'il était en droit de haïr, mais avec en prime, ce qui n'est plus le cas des musiciens d'aujourd'hui qui s'en foutent, ce rôle de contempteur armé d'intolérance méprisante, d'un manque de curiosité affligeant, de morgue, puis de terrorisme intellectuel et artistique, ce qui ne relevait d'aucune obligation initial, faut-il pour exister devoir abattre l'autre ? Savait-il que Poulenc l'un des hommes à abattre était, curieux de tout, abonné aux concerts du "Domaine Musical" ? Ok, il s'en foutait... et il s'en fout encore, sans doute.

Et puis on ne se rebelle pas aujourd'hui contre Boulez, lui-même se sait hors danger car il est trop intelligent pour l'ignorer, lui qui se révolta contre un génie, on ne se révolte pas contre rien. In fine : "Fortunae rota volvitur..."

Je me suis longtemps demandé pourquoi j'écoute toujours en vrac parmi ses contemporains Berio, Xenakis, Nono, Henry, et aussi Dutilleux ... Ça y est, je sais... Je vais dire une obscénité : je suis sensible à la sincérité...

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