Un beau matin il prit sa bicyclette, comme il faisait tous les matins depuis des années pour se rendre au boulot. C’était une vieille bicyclette, mais d’une excellente marque. On appelait ça à l’époque où il l’avait achetée, un “routier”. Le cadre était solide, un peu lourd, le guidon était plat et à l’arrière, comme un bât sur le dos d’un âne, se trouvaient de chaque coté du porte-bagages d’énormes sacoches en skaï marron. Il y avait sous la selle, à l’arrière, une petite trousse en plastique dans laquelle on trouvait des rustines (vieilles), un tube de “ Dissolution” (à moitié sec), un câble de frein (roulé sur lui-même), deux démonte-pneus en aluminium et deux ampoules, minuscules, une pour le phare avant, l‘autre pour le feu arrière. Tout ça pour vous dire, preuves à l’appui, que c’était un vélo très commun.
Ce matin-là comme tous les autres qui l’avaient précédé, il quitta sa maison son jardin sa femme ses enfants pour aller gagner leur pain. Il prenait toujours le même chemin, le plus court. Il aurait pu le faire les yeux fermés depuis le temps, et ce dans les deux sens. Seules la lumière et les odeurs changeaient en fonction de l’air et des saisons. Il croisait toujours à la même heure la voiture de l’instituteur qu’il saluait d’un geste du bras par habitude, sans même tourner la tête.
Habitude, habitude, hébétude !
Mais Dieu sait pourquoi, ce jour précisément, à la patte d’oie, là où depuis des années, sans réfléchir, machinalement, il allait à gauche, il décida d’aller à droite. La route était droite, calme, le goudron frais. Tout était extraordinairement normal. Il roula. Il roula, sans effort, et puis, au bout de quelques minutes, petit à petit, il sentit ses roues crisser, grincer, fumer, sans pour autant ralentir, bien au contraire. Derrière lui, un jet de terre, puis de pierre, sortait du garde-boue. Il dut se rendre à l’évidence, sa bicyclette traçait un sillon dans la route. Le sillon devint tranchée, la tranchée devint trou, le trou gouffre, le gouffre enfin abysse dans lequel il se précipita, tête baissée comme un coureur, sans regrets.
On ne le revit jamais.
Ce matin-là comme tous les autres qui l’avaient précédé, il quitta sa maison son jardin sa femme ses enfants pour aller gagner leur pain. Il prenait toujours le même chemin, le plus court. Il aurait pu le faire les yeux fermés depuis le temps, et ce dans les deux sens. Seules la lumière et les odeurs changeaient en fonction de l’air et des saisons. Il croisait toujours à la même heure la voiture de l’instituteur qu’il saluait d’un geste du bras par habitude, sans même tourner la tête.
Habitude, habitude, hébétude !
Mais Dieu sait pourquoi, ce jour précisément, à la patte d’oie, là où depuis des années, sans réfléchir, machinalement, il allait à gauche, il décida d’aller à droite. La route était droite, calme, le goudron frais. Tout était extraordinairement normal. Il roula. Il roula, sans effort, et puis, au bout de quelques minutes, petit à petit, il sentit ses roues crisser, grincer, fumer, sans pour autant ralentir, bien au contraire. Derrière lui, un jet de terre, puis de pierre, sortait du garde-boue. Il dut se rendre à l’évidence, sa bicyclette traçait un sillon dans la route. Le sillon devint tranchée, la tranchée devint trou, le trou gouffre, le gouffre enfin abysse dans lequel il se précipita, tête baissée comme un coureur, sans regrets.
On ne le revit jamais.
Dommage pour la bicyclette...
RépondreSupprimer( Bravo pour la nouvelle, je la mets en lien sur AJD'H, et j'ai une question : quel art ne cultives-tu pas ? )
cher pp (mais pour Lise2cc)
RépondreSupprimerMoi qui le pratique depuis bientôt 47 ans, je puis vous dire que non seulement il taquine toutes les muses avec talent mais qu'il cultive aussi l'art, très rare, celui d'être un oncle d'exception. Une nièce fière et comblée.
Que voulez-vous que je vous dise ... Moi et mes nièces, ça se passe comme ça....
RépondreSupprimerLe problème, enfin le mien,c'est honnêtement, que dans cette fourchette d'age, étant incapable de leur souhaiter leur anniversaire, j'ai du mal à savoir laquelle m'envoie ce si gentil message...
Peu importe, je l'aime et je l'embrasse. (Cela dit, elle pourrait signer, même d'un pseudo, au lieu de me mettre dans cette situation indigne de passer pour un con ou pire encore, un mauvais oncle, aaaaahhhhhhhhhhhhh ! )
Bises et encore bises, Nièce que j'aime !
en l'occurrence, Zoun ? probably ...
cher pp,
RépondreSupprimerniark, niark...raté!, mais si ce n'est elle, c'est donc sa soeur...
Affectueusement, celle du 25 janvier.