Fiction et réalité

Je promène Oscar-le-Chien qui rencontre sur le quai trois superbes femelles Setter qui gambadent en liberté et agitent à tout va, à tous vents, les tintinnabulantes clochettes que leur maîtresse qui se déplace à bicyclette leur a judicieusement accrochées aux colliers. Oscar, très élégant, courtise la plus belle qui l'envoie aux pelotes... c'est pas tous les jours fête et le chien, sur ce terrain là, est un homme comme les autres !

Chemin faisant nous croisons l'un de mes nouveaux voisins qui promène sa chienne et tient à la main un appareil photo numérique fixé à un pied.
- J....e est au bout du quai, la-bas, me dit-il tout excité. Il y a aussi les deux mecs, j'y retourne, je vais les photographier !
- Quels deux mecs ? lui demandè-je

- Ceux qui ont poussé à l'eau le gamin qui s'est noyé !
- Mais, il a pas été poussé le gamin ! il a plongé avec des copains dans un endroit connu pour être très dangereux et qui est interdit à la baignade.
- Ah bon ?
- Oui, ça s'est passé il y a trois semaines environ, en plein jour et en public - y a des témoins- il a été siphonné dans un trou d'eau et personne n'a rien pu faire, pas même ses potes, ni les pompiers - c'était trop tard ! On a retrouvé le corps il y a quelques jours seulement ! Accident, pas crime, désolé !
- Tu est sûr ? T'es certain ? parce-que je m'étais fait un beau film... (sic !)
- ???????????
- Tu veux pas me raconter ça pendant que je te filme ?
- Mais que veux-tu que je te raconte ?
- Ce que tu viens de me dire !
- Mais j'ai rien à dire, puisqu'il ne s'est rien passé, à part un bien triste accident auquel je n'ai pas assisté. Même s'il y a eu hélas mort d'homme, c'est un peu un non-évènement ! pas un crime ! un ac-ci-dent ; il se serait noyé dans sa piscine, qu'on le saurait même pas !

Il est déçu, il insiste, il veut me filmer, que je cause... Mais, je veux pas ! Il insiste ! Il m'idéfixe ! Ça va pas ! au fou ! Il veux que j' attende juste le temps qu'il remonte chez lui changer la carte de son appareil qui est pleine, il revient tout de suite... que j'attende, que je bavasse, que je brode, un témoignage qu'il veut !
Il s'engouffre dans son escalier. Je presse Oscar qui traîne, je me trisse, je me casse, j'abandonne... Il va m'en vouloir, tant pis !

Et pendant ce temps, y a deux mecs qui se baladent peinards sur un chemin de halage, ignorant qu'ils ont failli être photographiés en douce au titre d'assassins à peine présumés d'un crime qui n'existe pas...
Comme on dit dans le Poitou : " O'l'est rein d'nous ! "