23 juillet, 2008

Mais comment pouvait-elle savoir ?

En août 1987, je suis à Berlin. C'est à l'époque encore très impressionnant. Ne serait-ce que l'arrivée à Tegel, aéroport en pleine ville, car pour des raisons de blocus encore en vigueur, l'avion atterrit (comme il décolle aussi) très court et l'on voit à travers les hublots les ménagères préparer les repas dans les cuisines avoisinantes ...
Je suis invité par ma copine C. qui oeuvre sur place et à plus d'un titre au rapprochement franco-allemand. On m’a logé dans une ravissante pension de famille à Dahlem à deux pas d'un des plus beaux musées ethnologiques et des beaux arts d'Allemagne (on y voit à l‘époque ces superbes Carpaccio qui vont quelques années après intégrer l’Ile aux Musées) .
Berlin, j'en rêvais depuis longtemps, "Der Himmel über Berlin", le film merveilleux de Wim Wenders curieusement traduit par "Les Ailes du désir" m'avait sérieusement allumé...
Je ne suis pas déçu. Ambiance bizarre, un peu glauque (ou est-ce mon imagination ?), façon nid d’espion, et le frisson de “l’homme libre” face au “totalitarisme communiste“!. Check Point Charlie, ça impressionne,ça rappelle le " Rideau déchiré" de Hitchcock ou plus rigolo "One, Two, Three" de Billy Wilder. Du haut de la terrasse en bois de la Porte de Brandebourg, la vue sur le purgatoire est assez terrifiante et sur les bords de la Spree, s'affichent les noms des transfuges morts en la traversant. Et puis ces hélicoptères qui n’arrêtent pas de tourner, jour et nuit. C’est déjà pourtant la perestroïka... qu’est-ce que ça devait être avant. Berlin Ouest, c’est un étalage de luxe éhonté... des cabriolets en pagaille et sur le Wannsee, des bateaux comme on en voit à St Trop. Tout ça pour rester prisonnier de luxe dans un land à peine grand comme un demi-département français. A quoi sert une bagnole qui roule à deux-cents puisque de tout façon, où qu’on fonce, à Berlin, on finit par se cogner dans le mur... Alors les jeunes berlinois fortunés font des démarrages de dragsters, et de courtes ruées sur le ring... du dérisoire... Et puis il y a les sages, les raisonnables qui roulent à bicyclette, normal, Berlin, c’est un peu comme Amsterdam y compris les canaux (il y en a, peu de gens le savent, presque autant), c’est un ancien marécage, globalement plat... Je traîne mes journées de plaisir estival à zoner sur le Kudamm, à visiter au hasard, à me bronzer à poil comme les berlinois, sur les pelouses de Tiergarten, entre Grosser Stern et "l'huître enceinte" où quand le temps est gris dans un institut spécialisé en compagnie de P. l'adorable jeune soeur de C... qui est belle et drôle à la fois. Mes nuits, c'est du coté de Fuggerstrasse que je les passe -no comment-... Le mouvement alternatif bat déjà son plein, et il y a à Kreuzberg, l'un des rares quartiers de Berlin qui soient un peu en hauteur et en partie rescapés des bombardements, une boite de nuit invraisemblable et cosmopolite, nommée, c'est bien normal vu l'endroit "GoldGotha"...

Mais il y a un aussi ce concert mémorable à la Philharmonie, Celibidache presque impotent, assis, qui dirige de l’oeil un orchestre de jeunes musiciens qu’il tient, fascinés, sous son charme, un vrai détournement musical collectif de mineurs en public ! il y a aussi les débuts d’Ute Lemper...

On rencontre à Berlin, un tas de gens intéressants. Par exemple cette jeune femme qui accompagne un producteur de France-Culture et avec qui nous buvons une bière blanche, à la fraîche en terrasse, l'été berlinois est continental, lourd et orageux. Elle est urbaniste et entreprend, au moment où d’aucuns, spécialistes la plupart autoproclamé(e)s, continuent de croire en la pérennité du mur et en celle du communisme, d’en faire classer monument historique pour les rendre intouchables, de multiples tronçons car, annonce-t-elle sur le ton de l'évidence, "Le communisme va chuter, le mur aussi et cette surface énorme de terrain, fait déjà rêver les promoteurs qui feront n’importe quoi...". “Comment ça ? le mur va tomber?” demandons nous incrédules... “ Oui, et bien plus tôt que vous ne pensez“... En août 87... Comment pouvait-elle affirmer ça ? et avoir raison à si brève échéance...

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