03 juin, 2008

Flegme anglais et main experte.

Je sais pas pourquoi je pense à ça, enfin si, bien sûr je sais, c'était fin mai, mais ça, c'est mon histoire... Ça se passe en 1980. Élie (comme ses frères le font, je l'appelle Lalo, Eliahou c'est trop long) est parti bosser à Londres où il a déjà et tout récemment vécu, car à Paris, il ne trouve pas de boulot. Il travaille dans une boîte de fringue en gros. Il a retrouvé ses potes et loge chez Nelson, (je change un peu le nom...) un type très sympa qu'on a connu à Paris et qui, avant de pantoufler confortablement à la Lloyd's, fut, bien qu'il pourrait, par l'âge uniquement bien sûr, en être le père, "Page" du Prince de Galles, au grade de colonel. Il habite une fort jolie maison avec, comme l'ont toutes les maisons de cette rue cossue, un pronaos à l'anglaise. A l'intérieur tout est typique anglais, mais Nelson a son coeur en France, un coeur de vingt-huit ans, sa moitié, pas michetonneur pour une livre et qui bosse dans la pub. C'est ainsi que chez lui on mange et on boit français. Ils est farouchement monarchiste, autant conservateur, mais c'est dans les chiottes que sont affichés par strates et depuis des lustres les voeux de la famille royale... Il est chic, Nelson, la plaque minéralogique de sa grosse Peugeot de luxe (comble du snobisme londonien du moment) est à ses initiales, à son chiffre, NWB... On pouvait obtenir ça à l'époque si l'on avait de l'entregent ! Bref, je viens, comme tant d'autres, "passer un week-end à Londres". Le voyage a été insupportable, le train de nuit, le transfert à Dunkerque, les sièges en skaï marron du ferry rangés en lignes comme dans un cinéma de quartier sans écran, le papier qu'on remplit encore en jurant sur l'honneur qu'on ne vient pas assassiner la reine, un train anglais dont les roues, c'est sûr, sont carrées, Waterloo Station à l'heure du laitier, faut vraiment qu'il s'y trouve quelqu'un que j'aime, à Londres ! j'ai toujours horreur de cette ville, c'est mon droit. Je vous fais grâce de ma journée. Le soir, après un fort bon dîner en compagnie du maître de maison bien sûr et d'un tout jeune pianiste à mèche, du genre "Petit Lord Fauntleroy" qui serait monté en graine, nous gagnons, Lalo et moi, notre chambre. N'étant pas exhibitionniste, je ne vous raconterai rien de ce qui ne vous intéresse pas, si ce n'est qu'au bout de trois minutes de retrouvailles, nous sentons entre nous qu'une présence étrangère s'est fort discrètement immiscée... Nous en avons la confirmation lorsque la voix que nous reconnaissons comme celle du jeune pianiste s'exprime, feutrée, un peu surprise, à tâtons : "But you are jewish !"... mais oui, couillon d' Albion, pas besoin de toucher, quand on s'appelle Élie, y a quand même de fortes chances...
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