01 mai, 2006

"Le Chat Botté" et " l'ascenseur social"

Je suis en train de lire les Contes de Perrault, les " Contes de Ma mère l' Oye" et je m'arrête sur "Le Chat Botté".

"Le Chat Botté", c'est l'histoire d'une enflure d'une surprenante modernité. "Communication et manipulation" sont les deux outils de prédilection du chat pour sauver de la mouise le troisième fils du meunier dont il est l'unique et mince héritage. Avec un talent de stratège, il va faire de son maître le Marquis de Carabas, le hisser au sommet de la haute société,et ainsi se sauver lui-même. Ce qui est extraordinaire dans cette histoire racontée avec une remarquable économie de moyens, c'est le cynisme, le culot, l'utilisation de la peur et de la naïveté des "petits" et des "grands" qui sont montrés en exemple pour la plus grande promotion de l'ascenseur social par n'importe quel moyens...
Le Chat Botté, comme un publicitaire d'aujourd'hui, un chargé de communication, fabrique une image pour son maître, personnage sans aucune envergure ni talent, dans le seul but d' atteindre au pouvoir et à la richesse. Pour ce faire, il pratique l'intox, la menace, la ruse, le mensonge et même le crime, sans trancher sur le choix de ses victimes, car il n'a aucune pitié, ni pour les pauvres ni pour les riches...

On pourrait comparer cette histoire de "réussite" à celles de nombre de nos contemporains...

C'est l'un des contes les plus immoralement salopards de Perrault.
Il aurait pu être joyeusement immoral, or, si on le lit attentivement, il n'y a aucune joie dans ce conte, surtout pas dans sa chute, car la misanthropie de Perrault autant que celle de Molière n'est pas jubilatoire.

Car contrairement à beaucoup, si ce n’est la majorité des contes, dont l’enjeu principal est l’amour trouvé ou perdu puis retrouvé , “Le Chat Botté” ne parle que de fric... pas un instant de passion amoureuse tout juste ce qui suit :

"...il était beau, et bien fait de sa personne, la fille du roi le trouva fort à son gré, et le Marquis de Carabas ne lui eut pas jeté deux ou trois regards fort respectueux, et un peu tendres, qu'elle en devint amoureuse à la folie."

et à la fin , la syntaxe de Perrault est extraordinaire qui induit sans le dire que la Princesse, elle aussi, l’apprécie pour ses richesses... Pour ce qui est des sentiments du Marquis... pas l'expression de l'ombre d'un... Ils se marient donc, nous dit-on, mais pas qu'ils eurent le moindre d'enfant... moyen a contrario de dire, dans les contes, qu'ils firent "tout" ce qu'il fallait pour...

Le roi, charmé des bonnes qualités de monsieur le Marquis de Carabas, de même que sa fille qui en était folle, et voyant les grands biens qu'il possédait, lui dit, après avoir bu cinq ou six coupes: - Il ne tiendra qu'à vous, Monsieur le Marquis, que vous ne soyez mon gendre. “

J’allais suggérer de faire lire ce conte à tous les parents des enfants destinés à faire partie de l’ “élite”, mais je pense à l’instant qu’ils ne m’ont pas, et depuis plusieurs générations, attendu pour le faire...

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